es Pyrénées-Orientales se désertifient-elles ? « Les dernières précipitations remontent au mois de septembre. Depuis, plus rien, alors que l’année 2023 a déjà été historiquement sèche. Sans eau : pas de mise en réserve, pas de minéralisation des sols… Cette situation est totalement inédite, on ne sait pas comment la vigne va réagir », s’inquiète Éric Noémie, conseiller viticole à la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Orientales.
Sur le terrain, les viticulteurs observent, impuissants, les effets de cette sécheresse interminable. « C’est catastrophique. La terre se transforme en sable. Il n’y a plus une goutte d’eau dans les sols. J’ai perdu 1500 pieds sur les 7500 que j’ai plantés en 2020. Et même dans les vignes adultes, on trouve des pieds morts. J’avais 1,5 ha à replanter ; j’ai renoncé », confie Régis Teixido, vigneron sur 9 ha à Thuir. Pour préserver ses vignes malmenées par ce déficit hydrique, il modifie sa taille : « Je laisse 3 à 4 coursons au lieu de 6 à 8 pour diminuer la charge. Je n’aurai qu’une demi-récolte … s’il veut bien pleuvoir », lâche-t-il, désabusé.
Lionel Gély, vigneron sur 60 ha à Trouillas, n’est pas plus serein. « On le constate en taillant. Il y a plus de pieds morts que les années précédentes. Les parcelles situées en zone plus humide sont les plus touchées. Le bois est sec, il n’y a pas de pleurs. Les sarments font la moitié du diamètre habituel. On sait qu’on s’achemine vers une très petite récolte. Le plus inquiétant, ce sont les vignes en formation. Vu qu’il ne pleut pas, je vais les rabattre à deux yeux pour les préserver, quitte à perdre une année de récolte. Par contre, je vais maintenir mon programme de plantation de 3,20 ha cette année. Déjà qu’on fait de très petites récoltes, si on arrête de planter, on ne s’en sortira pas ».
Jean Boucabeille, à la tête d’un domaine familial de 40 ha à Corneilla-la-Rivière s’inquiète aussi de la sécheresse des sols « C’est impressionnant. Des mottes extrêmement dures se forment. Il n’y a plus aucune humidité dans nos terres. J’ai planté de 0,60 ha de grenache blanc. Je les arrose tous les 10 jours ». Le jeune vigneron constate également la minceur inhabituelle des sarments cette année : « A la taille, on conserve les bras les plus robustes, mais il ne peut y avoir de miracle. On s’attend à une petite récolte. S’il ne pleut pas avant le débourrement, on ne sait pas où on va ». Jamais la pluie n’aura été attendue aussi désespérément.
La sécheresse continue à s’aggraver dans les Pyrénées-Orientales. Avec 307 mm de précipitations sur Perpignan, 2022 était déjà l’année la plus sèche de l’histoire. Et cet inquiétant record a été battu dès 2023 avec seulement 245 mm. Depuis les choses s’aggravent encore. « L’état des ressources début 2024 est plus préoccupant qu’en janvier 2023 sur la plus grande partie du département : le déficit de précipitation s’est accentué. En conséquence, les sols sont très secs, l'indice d'humidité (…) correspond aux valeurs normalement observées fin août. Il n'y a pas eu de recharge des sols superficiels depuis l'été », indique la Préfecture dans un dossier paru le 31 janvier 2024. Le même jour, elle a prorogé jusqu’au 5 avril les mesures de restrictions d’eau en place depuis 2022. Dans la plus grosse partie du département les prélèvements agricoles sont interdits, sauf pour la sauvegarde de l’outil de production). Dans le Vallespir et les Albères, les prélèvements d’eau pour les usages agricoles sont réduit jusqu’à 50% et la zone montagneuse jusqu’à 25 %.