ros coup de fatigue cet été. Comme d’autres dans le vignoble français, Christine Courrian, à la tête du château Chantelys (17 hectares à Prignac-en-Médoc), ne cache pas sa lassitude. « Rien n’est facile » résume-t-elle, qui en veut pour preuve le calvaire administratif qu’elle a vécu pour remplir un dossier administratif de restructuration du vignoble. La vigneronne est aussi usée par la lutte acharnée menée contre le mildiou cette année : « je n’ai jamais vu ça en 40 ans de métier. La météo était incroyable des abats d’eau et des chaleurs tropicales. Mes produits de contacts avaient l’effet d’un pipi de chat. » Entre la vision d’une belle sortie de grappes, laissant penser qu’une petite perte était acceptable, et les difficultés économiques, « on n’a plus les moyens, on est devenus pauvres », la mobilisation contre le mildiou n’a pas été à la hauteur de la pression.
En plus des difficultés de production, l’absence de commercialisation suffisante pèse sur le moral. « Ça fait 4 à 5 ans que nous galérons. Par les temps qui courent, nous n’arrivons pas à vendre de vin » résume Christine Courrian, ajoutant que « ça me désole : on a beau se démener, il n’y a jamais eu autant d’évènements dans les propriétés, de bars à vin, d'expos, mais ça ne vend pas assez. L’export est à l’arrêt, il y a peu demande, peu de ventes. C’est très inquiétant pour le devenir du vin. » Si sa récompense se trouve dans l’accueil chaleureux de visiteurs, elle ne cache pas son impression d’« être don Quichotte contre les moulins à vent : ça semble fichu, mais on continue. »


Pour Christine Courrian, une crise émerge et va submerger le vignoble traditionnel : il faut un redressement des ventes et pas un redressement judiciaire, prélude à d’autres impasses. « Je pleure les vignes à l’abandon » confie la vigneronne, qui voit déjà les petits apporteurs en cave coopérative arrêter et craint que « les petites propriétés médocaines soient amenées à disparaître ». Restant mobilisée, elle veut se poser les bonnes questions, avec justesse, pour « savoir comment on en est arrivés là. Pourquoi le Médoc n’a-t-il plus la cote ? Quand je dis à Paris que je suis vigneronne dans le Médoc, on me prend pour "Nadine de Rothschild". Les grands crus classés ne sont plus des locomotives. » La spéculation sur les crus de 1855 masque les rapports qualité/prix du Médoc. Comme si le prestige cachait l’authenticité paysannerie évoque Christine Courrian. « Je reste persuadée qu’être vigneron est l’un des plus beaux métiers au monde : on est cultivateur de pieds e vigne, on est magicien en transformant le raisin en vin, on rencontre plein de gens… » conclut-elle.