e bio souffre au point que certains viticulteurs font marche arrière. C’est le cas de Marc Dézarnaud, président de la coopérative audoise du Triangle d’Or (Allier). Dans son vignoble de 25 ha, il avait converti tous ses cépages blancs, soit 3,5 ha qui ont été certifiés pour la récolte 2023. « On a incité nos adhérents à se convertir. J’ai voulu montrer l’exemple, mais en novembre, j’ai informé Ecocert de mon renoncement à la certification. Le marché du bio est noyé. Pour les acheteurs, « bio » est un gros mot. Sans même parler de prix, ils ne veulent même pas déguster. En 2024, nous allons rémunérer nos adhérents en bio au même prix que les conventionnels. Pourtant, leurs coûts de production sont bien supérieurs », explique-t-il.
Christophe Mugard, président de la cave de Monfrin dans le Gard, a pris la même décision. À la tête d’une exploitation mixte en viticulture et arboriculture, vu l’état du marché du vin bio, il préfère se recentrer sur l’arboriculture. Sur ses 50 ha de vigne, 20 ha devaient décrocher la certification pour la récolte 2024, 27 sont en première ou seconde année de conversion et 3 ha de blanc sont déjà certifiés. « Le bio est très gourmand en temps de travail. Pour continuer dans cette voie, il aurait fallu que je recrute un nouveau tractoriste. Je préfère revenir au conventionnel pour me dégager du temps pour l’arboriculture », confie-t-il.
À Bordeaux, Mikaël Cousinet, président d’Univitis, change aussi son fusil d’épaule pour les 130 ha du Château des Vergnes, propriété de cette coop et certifiés bio depuis 2021. « Cette année, malgré 19 traitements, nous n’avons pas réussi à endiguer le mildiou. Nous avons 50 % de perte. Certaines parcelles n’ont pas été vendangées. Mentalement, cela a été terrible pour les équipes qui se sont démenées pour enrayer la maladie. Ce modèle économique avec des rendements de 30 hl/ha n’est pas viable. Nous allons repasser en conventionnel pour baisser nos coûts de production. Mais nous restons engagés dans les démarches environnementales. Nous sommes HVE, nous allons passer Terra Vitis. On veut avoir accès à un panel d’outils plus important pour faire face aux fortes pressions parasitaires ».
Fabien Cuadros, adhérent de la cave de Bessan dans l’Hérault, est encore indécis. Depuis 2021, il a 15 ha certifiés en bio. « Le marché n’a pas suivi. Aujourd’hui, nos vins bio nous sont payés au prix des conventionnels, alors que mes coûts ont progressé de 20 % et qu’en moyenne sur 5 ans, j’accuse une baisse de 15 à 20 % de mes rendements. Il faut être fou pour continuer si la valorisation n’est pas là. Je prendrai ma décision en janvier en fonction des perspectives de marché ».