es dimanches se suivent et se ressemblent. Ce 12 octobre, le premier ministre reconduit Sébastien Lecornu nomme Annie Genevard au ministère de l’Agriculture, comme la semaine précédente, le 5 octobre, mais avec cette fois l’espoir de voir durer l’exécutif plus de 14 heures. Se succédant à nouveau, Annie Genevard est en poste depuis le 21 septembre 2024 (dans les gouvernements de Michel Barnier puis François Bayrou). Députée du Doubs, l’ancienne enseignante s’est dissociée de la ligne de son parti, Les Républicains, ne souhaitant pas participer au gouvernement Lecornu 2. « J’ai un devoir envers nos agriculteurs qui attendent avant tout des réponses immédiates, de la constance dans l’action publique, de la clarté dans les décisions et du courage pour affronter les défis » déclare la ministre sur Twitter. Depuis les manifestations du début 2024, les agriculteurs s'impatientent du manque de retranscription de leurs préoccupations dans l'agenda politique, particulièrement bloqué depuis l'été 2024.
En mettant de côté les risques d’instabilité politique à l’Assemblée nationale, cette reconduction au ministère de l'Agriculture peut créer une forme de stabilité dans le suivi des dossiers agricoles toujours plus brûlants de ne pas avancer : loi Duplomb, accord commercial du Mercosur, protection phyto… Et crise viticole. En conservant Annie Genevard, la filière vin espère ne pas avoir à tout reprendre à zéro. Ayant rencontré en juillet l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV), Annie Genevard s’était engagée à un rendez-vous de suivi après les vendanges pour avancer sur des actions concrètes après analyses par ses services sur les demandes d’arrachage définitif (le sondage de FranceAgriMer étant désormais achevé, il doit être dépouillé), de développement d’un arrachage temporaire, de mise en place d’un arrachage bonifié par la distillation bonifiée (via la biocarburation), de mesures de simplification…
Annonçant alors sa « totale mobilisation pour le redressement économique de ce secteur malmené par la déconsommation des vins, rouges en particulier, le changement climatique et les conflits commerciaux », Annie Genevard est désormais attendue dans des actes concrets, notamment pour obtenir les 200 millions de fonds européens de la réserve de crise pour financer un nouvel arrachage. Si Annie Genevard a envoyé début septembre une demande officielle à la Commission européenne, les États-membres sont divisés sur l’idée d’un arrachage financé par les fonds communautaires (l’Allemagne plaide pour, l’Italie contre, l’Espagne demande des justifications…).


Face à ces tergiversations à Bruxelles, le vignoble appelle la France a affermir ses positions pour faire valoir l'urgence d'un plan de crise. « Il faut faire attention, après la parenthèse des vendanges, les vignerons sont excédés » prévient Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Le vigneron de Fitou (Aude) pointant que « cette exaspération fait place à une colère sourde qui va être de plus en plus visible », et ce alors que « la filière vit l’une de ses crises les plus violentes de son histoire. Tout le monde en convient, même au plus haut niveau de l’État. »
« Il faut que [Sébastien Lecornu] tape du poing sur la table pour obtenir les crédits de réserve de crise et financer l’arrachage. Sinon, ça ne va pas bien se passer. Ce n’est pas une menace, c’est le constat du secteur agricole le plus durablement touché par des circonstances multifactorielles » confirme Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Le premier vice-président de la FNSEA martelant qu'« il y a urgence : le temps des discussions politiques n’est pas le temps de la crise viticole ». En somme, « la crise est grave, la crise s’aggrave » ajoute Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale vins AOC (CNAOC). Le vigneron de Herrlisheim-près-Colmar (Haut-Rhin) alertant que « la viticulture a besoin de visibilité et de décisions rapides. L’instabilité politique ne doit pas devenir un prétexte à l’inaction : les mesures d’urgence sont identifiées et prêtes. »
L'attente est donc forte pour l'exécutif à venir, en termes d'arrachage (et potentiellement de distillation), mais aussi de conquête de marchés (par le soutien à la promotion export, mais aussi des négociations d'accords de libre-échange) ou de structuration de la filière (contractualisation, rémunération, segmentation...) et de soutien à la production (adaptation au changement climatique, résolution des impasses phytosanitaires…). Highander des derniers gouvernements, Annie Genevard a du vin sur la planche.