Entre le manque d'équipements de protection, l'absence de commodités, les vagues de chaleur et l'exposition aux agents chimiques, les risques encourus par les travailleurs sont nombreux. Cette situation requiert la vigilance des employeurs qui peuvent engager leur responsabilité pénale (2).
1. Risques encourus par les travailleurs
Les décès de vendangeurs par arrêt cardiaque, survenus cet été, ne constituent qu'une facette des dangers pendant les récoltes. Diverses situations à risque méritent d'être signalées :
- Les dangers associés à l'utilisation de machines non conformes ou mal entretenues, telles que les tracteurs et les enjambeurs (risque de renversement).
- Les risques liés à l'utilisation de produits phytosanitaires, notamment le mauvais réglage des pulvérisateurs, le défaut d'entretien des cabines filtrantes et le non-respect des délais de retour dans les parcelles traitées.
- Les risques spécifiques au travail dans les chais, incluant le risque de chute, d'intoxication lors du nettoyage des cuves (CO², SO²), et de blessures lors de la manutention (tuyaux, barriques).
- Les risques associés aux conditions météorologiques pendant les vendanges, tels que les évanouissements et les arrêts cardiaques.
Pour prévenir ces risques, des actions de sensibilisation ont été entreprises par la MSA et le SDIS ou les interprofessions : campagne de prévention du risque routier pendant les vendanges, publication d'un "guide du vendangeur" intégrant les mesures à prendre en cas de fortes chaleurs (ajustement des horaires de travail, limitation des charges physiques, mise à disposition d'eau potable, etc.).
2. La responsabilité pénale des employeurs
Les employeurs s'exposent au risque d'engager leur responsabilité pénale en cas d'accident. En effet, dans le but de protéger les salariés, le code pénal se montre particulièrement sévère en réprimant les comportements non intentionnels entraînant une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique des travailleurs.
Les standards sont relativement bas puisque la simple imprudence, maladresse ou négligence, même lorsqu’il existe chez la victime une pathologie préexistante ou des prédispositions ayant contribué au dommage, suffit à engager la responsabilité de l’employeur.
Surtout, la responsabilité de l'employeur peut également être engagée en cas de causalité indirecte. Tel est le cas lorsque l’auteur a créé ou contribué à créer la situation conduisant au dommage, ou s'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'éviter. Dans ce contexte, l'employeur doit avoir délibérément violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou avoir commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une gravité particulière qu'il ne pouvait ignorer (C. pén., art. 121-3, al. 4).
A noter cependant que dans une telle configuration et en l’absence de faute caractérisée de la part de l’employeur, le législateur encourage les juges à ne poursuivre que la personne morale et non la personne physique - bien qu’à lire les textes de répression, les peines peuvent aller jusqu’à de l’emprisonnement ferme[1].
Face à ce régime strict, il est indispensable d’anticiper en amont et d’assurer les formations idoines. Les juges vérifieront systématiquement si cette exigence est satisfaite et condamneront l’employeur par exemple en l’absence « de formation pratique et appropriée en matière de sécurité, et d’infraction à la réglementation générale sur l’hygiène et la sécurité du travail » dans le cas d’un travailleur décédé par asphyxie dans la cuve.[2]
De même, le fait « de n’avoir jamais visité les installations » ou « de n’avoir donné au travailleur saisonnier d’autre recommandation qu’une consigne orale d’éloignement » sont des éléments justifiant la responsabilité du dirigeant d’exploitation dont l’employé a par exemple perdu la vie en ayant heurté une pale de pressoir pendant une opération de nettoyage.[3]
Face à ce constat, il est indispensable pour les employeurs de prendre des mesures préventives, telles que l'ajustement des horaires de travail, la limitation des charges physiques, la mise à disposition d'eau potable, et l'investissement dans des équipements spécifiques tels qu’un détecteur portatif de CO2.
Sur ce point, la tenue et l’actualisation en temps réel du Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est un élément clé pour limiter le risque pénal.
Au-delà de ce document, il est indispensable d’adapter la prévention à la réalité du risque de l’entreprise et c’est un travail essentiel qui se gère en amont.
[1] Circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces – 13 février 2006
[2] CA Toulouse, 11 sept. 2006, n° 05/01442
[3] Cass. crim., 14 mai 2002, n° 01-86.194