Les effets du dérèglement climatique s’accentuant, la possibilité d’irriguer les vignes en période de sécheresse s’impose comme un enjeu de pérennité des vignobles : « les projets d’irrigation sont indispensables : sinon c’est la mort du vignoble. Si l’on doit passer 5 ans comme ce millésime, les vignes ne tiendront pas[1]. »
Or, l’irrigation de la vigne est strictement encadrée par le Code rural et de la pêche maritime (CRPM) et le Code de l’environnement : un risque pénal réel pèse sur le viticulteur qui contreviendrait à la loi (1). Des solutions de défense peuvent toutefois être utilement invoquées (2).
Les comportements adoptés en période de sécheresse peuvent revêtir diverses qualifications :
Peine de contravention ou qualification délictuelle, les conséquences de la violation de la législation en matière d’irrigation peuvent être lourdes, ce qui n’est pas incompatible avec la mise en place d’une défense
Avant toute poursuite devant un Tribunal, le vigneron peut déjà suggérer au Procureur une mesure de composition pénale[2] (règlement d’une amende en échange d’abandon des poursuites).
Dans le cadre d’une citation à comparaître ensuite, il est possible de solliciter une peine légère (voire une dispense de peine) en invoquant le contexte économique et climatique extrême, la loi faisant obligation au juge à prendre en compte dans le prononcé de sa peine les circonstances de commission des pratiques et la situation matérielle de l’auteur (article 122-7 du Code pénal).
Il est également possible pour les exploitations concernées et compte tenu de la singularité de ces situations de sécheresse intense et répétée, d’invoquer un état de nécessité, dont l’effet permet d’écarter la responsabilité pénale de l’auteur du fait justifié, à condition qu’il soit démontré l’existence d’un danger actuel et imminent, et que l’acte accompli pour l’éviter est proportionné audit danger. (article 122-7 du Code pénal)
Les actions illicites d’irrigation pendant une sécheresse peuvent être présentées comme nécessaires, considérant les conséquences immédiates de la sécheresse sur la vigne (perte de rendement et/ou de qualité) qui remettent en cause la continuité de l’exploitation, ainsi que la conservation des emplois.
Le viticulteur poursuivi pourrait utilement invoquer cet état de nécessité (économique et agronomique) à condition bien sûr que l’acte illicite constitue l’unique moyen de préserver son vignoble du danger (ex : CA Grenoble 27 mai 2015, 13/01000) même si les juridictions sont encore réticentes pour retenir cette circonstance comme cause d’exonération de la responsabilité pénale.
[1] Déclarations de Monsieur Pierre Gérus rapportée dans Vitisphère, le 2 août 2022 « Sans irrigation, la vigne disparaît des Côtes du Rhône d’ici 3 à 5 ans ».
[2] Vitisphere, 14 mai 2021, « Il est temps de se mettre autour de la table » : https://www.vitisphere.com/communique-1781-il-est-temps-de-se-mettre-autour-de-la-table.html