quelques encablures de la Tour du Roi, où sera proclamé ce samedi le ban des vendanges libournaises, la salle des sports de Saint-Emilion accueillait ce 17 septembre la réunion de pré-vendanges de l'appellation éponyme (et de ses satellites, Lussac et Puisseguin). L'occasion d'asséner à l'assistance que « l'on choisi de vendanger une parcelle en fonction de ses propres observations, pas de son voisin » pour Jean-François Quenin (château de Pressac, président de l'Organisme de Défense et de Gestion de Saint-Emilion). L'occasion également de faire le point sur le millésime 2014, qui aura été tout sauf une partie de plaisir : « la campagne aura été longue et difficile, à peu près toutes les maladies nous ont attaqués ! » résume Carine Delacroix (conseillére viticole à l'ADAR de Grézillac). Si le moral est en peu meilleur qu'en 2013, la floraison s'étant globalement bien déroulée, les vignerons de la rive droite n'ont pas été épargnés cette année. D'abord avec une sortie d'hiver pluvieux, empêchant le travail du sol alors que le débourrement était précoce. Puis avec un été souvent humide*, ralentissant la véraison et permettant une pousse continue des rameaux.
Ce dernier phénomène est aujourd'hui à l'origine des difficultés d'aoûtement complet des sarments, mais il a surtout « forcé à des traitements répétés du feuillage jusqu'en août, le développement de mildiou mosaïque ayant conduit des parcelles juqu'à la défoliation » rapporte Carine Delacroix, qui s'inquiète maintenant de la présence latente de Botrytis (« qui n'attend qu'une occasion pour attaquer »), de la pression des cicadelles vertes et du black rot, ainsi que des attaques de drosophiles. Comme en Alsace, la menace de la pourriture acide pèse en effet sur la vendange bordelaise. « Le vignoble est plutôt sain aujourd'hui, mais il faut faire attention, cela peut partir vite, comme cela a été le cas pour les blancs d'Entre-deux-Mers » explique la conseillére viticole, « les drosophiles ont profité de toutes les failles pour s'installer et pondre, dans les parcelles touchées on sent le vinaigre en rentrant dans les rangs... »
Faisant le point sur les tests de maturité sur merlot du 15 septembre, Paul Godard (conseiller à la chambre d'agriculture 33) estimait que le poids moyen des grappes est important (du fait des précipitations estivales), que les baies présentent une acidité totale élevée (avec une « teneur en acide malique historique »), une faible maturité technologique (l'accumulation des sucres ne s'est accélérée que depuis la fin août) et un potentiel polyphénolique limité (« en deça des années précédentes », avec une faible extractabilité et une évolution lente). Face à « des raisins vraiment pas près », l'œnologue conseil Bruno Lacoste (laboratoires Michel Rolland) conclut qu'il est « urgent d'attendre » et de conseiller de mettre à profit ce temps pour « mettre en place des plans d'hygiène (détergents, désinfectants, démontage des matériels viti-vini, changement des tuyaux et cuves antiques...) ». Le secteur précoce du plateau de Pomerol devrait débuter cette fin de semaine les vendanges, étant progressivement suivi par le reste de la rive droite dans la prochaine dizaine de jours.
* : été parfois traversé d'orages de grêle (comme la nuit du 22 au 25 juin, celle du 18 au 19 juillet...) et même de coup de chaud (dégâts d'échaudage le 16 juillet).
[Photo : vignes de Saint-Emilion ce 17 septembre]