ixée au 3 septembre pour les crémants d'Alsace (soit deux semaines plus tôt qu'en 2013), la précocité du ban des vendanges 2014 semble témoigner d'un millésime conduit à vitesse éclair : à l'hiver chaleureux a répondu un débourrement précoce, un mois de mai estival a conduit une floraison aussi rapide qu'homogène pour un début de véraison dès la fin juillet. Mais cette belle mécanique a été enrayée par le coup de froid et les pluies d'août. Désormais « on fait face à un millésime précoce avec une maturité tardive » résume l'œnologue Thierry Fritsch (CIVA). Il explique qu'actuellement « les potentiels d'alcool ne sont pas très élevés et la concentration d'acide tartrique vient juste de passer au dessus de l'acide malique. Pour les crémants ça ne pose pas de problèmes, pour les autres appellations d'Alsace cela n'est pas forcément un mal (on cherche un équilibre plus gastronomique, plus frais), mais on peut encore attendre. » Au ban des vendanges des AOC tranquilles (ce 15 septembre), les relevés de maturité annoncent en effet 10,9° pour le pinot blanc, 11,8° pour le pinot gris, 11,11° pour le riesling et 12,3° pour le gewurtztraminer.
Avec le beau temps des dix derniers jours, les vignerons alsaciens s'apprêtaient donc à patienter jusqu'à la maturité optimale. Mais c'était sans compter les attaques de drosophiles (principalement de type melanogaster, mais aussi suzukii), déclenchant une vague de pourriture acide qui préoccuppe le vignoble. « Les conditions pluvieuses d'août ont fait éclater des baies et le retour du beau temps permet aux insectes d'attaquer » explique Jérôme Attard (responsable viticulture de la Chambre d'Agriculture d'Alsace), « tous les millésimes précoces ont des drosophiles, la dernière fois c'était en 2011, mais ce n'était pas aussi important... » Dans ces conditions, le mot d'ordre est désormais de rentrer les raisins le plus vite possible, malgré le léger retard de maturité. Thierry Fritsch conseille de « faire des tris successifs avec cette pression croissante, et ne pas traîner dès que l'on atteint les équilibres ! » Directeur du CIVA, Jean-Louis Vézien relativise la menace que les drosophiles font peser sur le millésime 2014 : « cela engage à agir plus rapidement, mais cela concerne surtout les terroirs précoces. Cela ne touche pas tout le vignoble. »
Après une série de petites récoltes (le plancher ayant été atteint en 2010, avec 911 000 hectolitres produits), le vignoble alsacien espère toujours produire 1,17 millions hl (+18 % par rapport à 2013). Soulignant que « d'après les projections de stocks de fin d'exercice (-9 à 10 %) et les prévisions de récolte, le niveau de disponibilité en vins devrait être dans la moyenne quinquennale » Jean-Louis Vézien voit avec satisfaction « une belle récolte sans excès », précisant que « les cours des vracs en premier marché se tiennent, il n'y a pas eu d'effet récessif de la récolte qui s'annonce ».
[Photo : vendanges alsaciennes (CIVA)]