De toute façon, les conditions d'hygiène sont aujourd'hui insuffisantes dans les caves (à part certaines, rares, unités) pour que le risque d'apparition de caractères phénolés soit nul » tranche Pascal Poupault, microbiologiste à l'Institut Français de la Vigne et du Vin de Chinon. Travaillant depuis les années 1990 sur Brettanomyces bruxellensis, il considère le matériel œnologique comme le vecteur idéal de cette levure d'altération, lui permettant de passer « d'une cuve à l'autre. Un tuyau ou une pompe suffit : il n'y a besoin que de très peu de levures pour qu'il y ait une contamination. » Face à ce constat sans concession, les marges de manœuvre existent, même si elles demandent rigueur et minutie. Si les travaux de Pascal Poupault sur l'optimisation des procédures de nettoyage ne doivent pas s'achever avant deux ans, le chercheur explique qu'il « n'y a pas forcément besoin de nouveaux matériels pour mieux nettoyer. Certaines surfaces ne voient jamais le produit de désinfection dans un circuit fermé. Il suffit de démonter, tremper et rincer ces surfaces pour avoir des résultats significatifs. »
Une action qui permet de compenser la faible nettoyabilité du matériel œnologique, non seulement en terme de configuration*, mais aussi de nature des matériaux utilisés. Travaillant depuis trois ans à la caractérisation des souches de Brett, Pascal Poupault a pu constater que les levures de la filière viti-vinicoles avaient un pouvoir d'adhésion très important. Il a étudié en laboratoire les aptitudes au développement d'une dizaine de souches sur les principaux matériaux oenologiques : PolyEthylèneTéréphtalate (PET), acier inoxydable (alliage 316L) et verre. La capacité des souches de Brett à coloniser/contaminer un milieu étant directement liée à leurs propriétés bio-adhésives (accroche et développement), le chercheur s'est focalisé sur leur aptitude à former un biofilm. D'après ses résultats, elle « est maximale sur l’acier inoxydable 316 [pour toutes les souches], mais aussi substratum et souche-dépendante pour les deux autres types de matériaux ».
Tous les vinificateurs savent que le point critique dans le bon élevage de leurs vins est l'hygiène de tous leurs contenants en bois. Spécialiste de la question, Nicolas Richard (chargé de recherche et développement à Inter Rhône) estimait au salon Sitévi 2013 que « jusqu'à présent, aucune technique de désinfection n'assure la stérilisation des barriques, au mieux on peut parler d'un nettoyage serré ». Lors du prochain salon Vinitech, les deux chercheurs tiendront une conférence faisant le point sur leurs recherches respectives (ce 3 décembre de 10h à 11h30, Hall 3, Salle 301).
* : Pascal Poupault estime que les équipementiers (et acteurs) du vin ont « toujours plus considéré la rentabilité que la nettoyabilité », notamment parce que les micro-organismes d'altération du vin ne sont généralement pas pathogènes. Ces mœurs qui vont devoir évoluer alors que « les conditions sont de plus en plus favorables au développement des Brettanomyces (pH élevés, moins de SO2, moins de stabilisation, des températures plus élevés dans les chais, des vins laissés plus longtemps sur lies...) ».
[Photos : Portrait de Pascal Poupault (DR) et Adhésion sur l’acier de trois souches de Brett (MR MICALIS INRA-AgroParisTech)]