our ne pas avoir traité ses vignes contre la cicadelle vectrice de la flavescence dorée, le vigneron bourguignon Emmanuel Giboulot a été condamné ce 7 avril à 1 000 euros d'amende (dont 500 avec sursis). « Il en a eu pour moins cher en amende que s'il avait traité avec des insecticides » laisse échapper David Amblevert, président de la Fédération Française des Pépiniéristes Viticoles. Au-delà du cas individuel, qu'il ne juge pas, le pépiniériste girondin craint surtout un précédent. Il estime en effet que « cette condamnation n'a pas pris en compte la gravité de la situation : il s'agit d'une maladie de quarantaine ! » Souvent pointée du doigt, la profession des pépiniéristes alarme la viticulture sur les dangers de la flavescence dorée : « on n'a pas le droit de ne pas traiter si l'on se trouve en Périmètre de Lutte Obligatoire, c'est de l'inconscience » résume David Amblevert, cela reviendrait à « hypothéquer la pépinière française ».
En vigueur depuis le premier janvier*, le décret définissant la lutte contre la flavescence dorée précise en effet que les vignes mères (de greffons comme de porte-greffes) seront soumises chaque année à une évaluation du risque sanitaire, à partir d'études épidémiologiques. Et « si des vignerons ne respectent pas le PLO, les risques seront élevés et le traitement à l'eau chaude du matériel végétal se généraliserait. On éradiquerait bien le risque, mais ce serait une catastrophe ! » prévient David Amblevert. Rapportant des taux de non reprise pouvant aller jusqu'à 100 % pour des pieds traités à l'eau chaude, il ajoute que « cela fait vingt ans que l'on est à la veille de trouver dans la pépinière française des pieds infectés par la flavescence dorée... Notre matériel est sain, le traitement à l'eau chaude doit rester un traitement d'appoint. »
Comme le rappelle pragmatiquement le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (n'ayant pas souhaité se porter partie civile dans cette affaire), « loin de reposer uniquement sur l’emploi de produits phytosanitaires, [la lutte contre la flavescence dorée] s’appuie sur 3 autres piliers (prospection, arrachage des pieds malades, traitement à l’eau chaude des plants de vigne) ». A peine arrêté par le tribunal correctionnel de Dijon, ce jugement a immédiatement suscité de nombreuses réactions indignées. D'abord du principal intéressé, qui annonce faire appel, et est soutenu par de nombreux internautes (le jugeant « condamné pour avoir refusé d'utiliser un dangereux insecticide ») ainsi que des représentants politiques (comme l'eurodéputée Sandrine Bélier qui voit dans le verdict « un signal extrêmement négatif envoyé à toutes celles et ceux qui pratiquent une agriculture conciliant performance économique et écologique »). Mais aussi de représentants de la filière, qui jugent au contraire la décision de justice trop laxiste. Le syndicat Coordination Rurale estime ainsi que « ne pas traiter les vignes lorsque l’on est dans une zone contaminée ou une zone de sécurité relève de l’inconscience et de l’irresponsabilité vis-à-vis des autres viticulteurs ».
* : bien que sa transcription en note de service manque encore à l'heure où les arrêtés préfectoraux doivent être pris.
[Photo de David Amblevert : FFPV]