'il est trop tôt pour juger de l'efficacité de l'arrêté préfectoral du 7 juin, cherchant à endiguer l'explosion inquiétante de la flavescence dorée dans le vignoble bourguignon, il est incontestable que ce texte a réussi à mettre le feu au poudre. En imposant la lutte chimique contre le vecteur de la maladie (la cicadelle Scaphoideus titanus) dans toutes les communes de Côte d'Or (à l'exception du Châtillonais et de l'Auxois), l'arrêté a progressivement déclenché l'opposition de nombre de vignerons. Au premier rang desquels se trouve Emmanuel Giboulot (domaine Giboulot Emmanuel, 10 hectares à Beaune). Ayant fait le choix de ne pas « acheter un produit insecticide pour justifier d'une application que je n'aurai de toute façon pas faite », le vigneron biodynamiste a été convoqué au tribunal d'instance suite à un contrôle*. Devenu le symbole de cette contestation, il explique posément « que nous n'avons pas de flavescence dorée, on nous oblige à traiter. Je ne considère pas qu'il y ait eu danger... Si j'avais été en Saône et Loire avec une commune voisine atteinte, je ne pense pas que j'aurais eu cette position ! »
Réfutant les accusations d'inconscience, le vigneron estime ne pas avoir fait prendre de risques au reste du vignoble. Il estime au contraire que les dispositifs de lutte systématique à grande échelle ne reposent sur « aucun justificatif technique, autre que la baisse de populations de cicadelles (qui pour l'instant ne posent pas problème). Un effet de peur a pris le vignoble. Pour la prochaine campagne, les décisions seront prises dans un état d'esprit différent... » Pour porter cette démarche alternative, un collectif de vignerons contre la flavescence dorée a été créée en Bourgogne fin 2013 : Comprendre pour Agir. Regroupant une centaine de membres actuellement, ce groupe de réflexion se donne pour « but de comprendre, rechercher et informer sur les différents moyens de lutte contre la flavescence dorée ». L'association rencontre actuellement les administrations pour établir le dialogue, que la Chambre d'Agriculture souhaite apaisé et moins polémique. « Le problème de fond, c'est que l'on se bat contre la maladie et pas pour comprendre pourquoi elle s'extériorise » ajoute Emmanuel Giboulot, qui conclut avec une citation du médecin Claude Bernard : « le microbe n'est rien, le terrain est tout ».
En ce qui concerne le volet judiciaire de l'affaire, Emmanuel Giboulot encourt six mois d'emprisonnement et une amende de 30 000 euros (article L 251-20 du Code Rural). Après deux reports, sa comparution vient d'être arrêtée au 24 février prochain. Sans aller jusqu'à des poursuites judiciaires, « de tels cas se sont déjà présentés par le passé, dans le Sud de la France » rappelle Jean-Marie Defrance (Demeter). Suite à la mise en place du premier Plan de Lutte Obligatoire en 1994, « des viticulteurs en biodynamie de Carcassonne ont bénéficié d'une tolérance pour recourir à des méthodes alternatives. »
* : l'administration a également constaté l'absence de traitement chez un autre vigneron bourguignon (basé en Saône et Loire, pour des vignes dans le Beaujolais), il n'est pour l'instant pas inquiété par le Tribunal de Grande Instance.
[Photo d'Emmanuel Giboulot : extrait du film L'Esprit du Vin, le Réveil des Terroirs, d'Olympe et Yvon Minvielle]