Trouve-t-on plus de Brettanomyces qu'auparavant dans les caves ? Je ne sais pas... En tout cas, plus on en cherche, plus on en trouve ! » s'exclame avec astuce Nicolas Richard, chargé de Recherche et Développement à Inter Rhône. « Ce qui est certain, c'est que tous les jours je reçois des coups de fil de producteurs au sujet de Brettanomyces. C'est un problème qui touche des caves dans toutes les régions de production. » Levure de contamination la plus crainte en œnologie, Brettanomyces s'adapte sans sourciller à la diversité des matrices du vin : pH haut comme bas, présence ou non de sucres résiduels, fort ou faible degré d'alcool... « Brettanomyces se développe encore plus facilement lors des élevages en barriques » précise Nicolas Richard. « Les douelles sont des nids d'autant plus favorables que l'élevage statique est long et le vin extrait. Les vins de gardes présentent les itinéraires technologiques les plus dangereux. »
La porosité du bois retenant et relarguant les micro-organismes (levures, bactéries...), Inter Rhône a développé un protocole d'analyse de Brettanomyces dans les couches profondes du bois. Nicolas Richard prélève par carottage jusqu'à un centimètre de bois sur la latte de fond*. Culture sur boîte de Petri, PCR et cytométrie de flux permettent ensuite de déterminer la présence de Brettanomyces. Ayant un taux de répétabilité élévé, ce protocole a été appliqué aux méthodes de nettoyage des barriques après soutirage (précaution obligatoire pour maîtriser les risques microbiologiques). « Clairement il y a des procédés qui marchent plus que d'autres » résume Nicolas Richard. « La diffusion de vapeur et le méchage (dioxyde soufre gazeux) sont efficaces. A priori les ultrasons également, mais il faudrait encore creuser cette nouvelle technique. » A l'opposé, l'application d'eau chaude sous pression, de solutions de soude ou d'eau ozonée ne seraient pas efficaces. Autre conclusion fondamentale à cette étude : « les barriques ne sont jamais à 100 % stérilisées après un nettoyage. »
Nicolas Richard travaille actuellement à la mise au point d'un indice de risque, qui déterminerait le potentiel de développement de Brettanomyces sur un vin donné. A la pointe de la recherche sur Brettanomyces, Inter Rhône a également développé une méthode curative pour les phénols volatils produits par la levure de contamination (pour en savoir plus, cliquer ici).
* : ce trou conique peut être rebouché comme le trou de soutirage, ou la douelle être changée.
[Illustration : population de Brettanomyces photographiées par microscopie électronique a balayage. Cliché réalisé à AgroParisTech par Alexis Canette (INRA) et Nicolas Richard (Inter Rhône)]