our pouvoir s’agrandir sans trop grever leur capacité d’emprunt, Vanessa et Jean-Marie Royer, viticulteurs à Châteauneuf-du-Pape, ont créé deux groupements fonciers viticoles (GFV). Ce couple de vignerons exploite actuellement 5,5 ha de Châteauneuf-du-Pape et 5 ha de vin de table. Son premier GFV date de 2013. À l’époque, il cultivait 4,5 ha quand l’occasion s’est présentée d’acquérir 0,40 ha classé en Châteauneuf-du-Pape, pour un montant d’environ 150 000 €.
« Pour trouver des investisseurs, nous avons placé une publicité dans la revue Challenges et informé notre réseau, témoigne Vanessa Royer. Le prix de la part était fixé à 3 000 € et le revenu à six bouteilles de notre châteauneuf-du-pape ou à 40 € par part et par an. Nous avons eu rapidement beaucoup de demandes de personnes que nous ne connaissions pas. » La plupart de ces acheteurs se sont positionnés sur deux ou trois parts. En moins d’un an, toutes étaient prévendues. Puis il a fallu attendre le feu vert de la Safer pour acheter la parcelle
« Nous l’avions expliqué en amont aux acquéreurs, précise-t-il. Entre le lancement du GFV et l’achat de la parcelle, cela a pris dix-huit mois. Pour certains, c’était trop long et ils se sont retirés du projet. »
Dénommé « Les fils d’Alcmène », ce GFV a finalement pu acquérir la vigne pour la donner à bail à Jean-Michel Royer. Actuellement, il comprend 150 associés qui sont conviés tous les ans à l’assemblée générale en mai. 80 à 100 personnes y participent. « L’AG se déroule dans notre cave, commente Vanessa Royer. Notre notaire expose les comptes. Puis nous parlons du déroulé de la dernière campagne et du profil des vins de l’année. Et nous offrons le déjeuner, en faisant déguster nos vins à nos associés. »
C’est à cette occasion que ces derniers récupèrent leur fermage, à savoir six bouteilles de Châteauneuf-du-Pape d’une valeur de 35 € par bouteille. Soit une rentabilité de 7 % par an. Ou 40 € par part, ce qui est moins attractif. Les absents peuvent venir retirer leurs vins au domaine plus tard ou se les faire livrer à leurs frais. Les associés bénéficient également d’une remise de 10 % sur leurs achats de vin.
Rassurés par le succès du premier GFV, les Royer en ont créé un second en 2021, L’Apôtre, qui leur a permis d’exploiter une parcelle de 37 ares.
Reste que la gestion de ces groupements est chronophage. La relation avec les associés exige de la disponibilité et du tact. Vanessa Royer s’est constitué un fichier pour les reconnaître. Elle reçoit ceux qui ne peuvent pas venir à l’assemblée générale et gère les stocks de ceux qui ne viennent pas tous les ans.
Quand des parts sont à vendre, généralement à la suite d’un décès, les autres associés sont prioritaires pour les racheter. Vanessa et Jean-Marie Royer disposent également d’une liste d’attente de plus de trente acquéreurs potentiels. Et l’offre pour devenir membre de leur GFV est toujours en ligne sur leur site internet. De quoi rester sereins !
Selon la Safer, les surfaces acquises par les GFV ont été multipliées par trois en dix ans. Ces sociétés ont acquis 16 % des vignes qui se sont échangées l’an dernier, en volume comme en valeur. « Les GFV fonctionnent bien dans les vignobles où le foncier est cher, précise Michel Veyrier, gérant de Vinea Transaction. Je crois plus aux GFV qu’au crowdfunding qui porte sur des petites sommes. Le principal frein à la constitution d’un GFV, c’est qu’il est parfois difficile d’en sortir car il est compliqué de céder les parts. Mais c’est très intéressant sur le plan patrimonial. » De fait, lors d’une succession ou d’une donation, les parts de GFV bénéficient d’une exonération de 75 % jusqu’à 101 897 € et de 50 % au-delà.