ue ce soit pour des questions conjoncturelles de coûts liés à la guerre en Ukraine ou à plus long terme, dans un objectif de développement durable et de préservation des ressources naturelles, Josep Maria Ribas est catégorique : « D’une manière ou d’une autre, le prix de l’énergie va continuer à augmenter, donc nous allons devoir soit payer davantage, soit réduire nos besoins énergétiques et le recours aux ressources en général. Et il existe des solutions ».
En dehors de l’allègement des bouteilles, qui représente « un moyen très significatif de réduire son empreinte carbone et les coûts », la maison espagnole se focalise sur la mise en place d’un système européen de réemploi des bouteilles. « Nous voulons que soit créé un format standardisé qui pourrait être utilisé n’importe où en Europe. Nous avons déjà entamé des discussions avec certains de nos verriers puisque nous pensons qu’ils ont beaucoup de pouvoir ».


Misant sur le fait que les principaux verriers « ne sont que cinq ou six en Europe » et qu’ils vont devoir faire évoluer leurs pratiques, Torres veut qu’ils soient entièrement partie prenante de cette initiative. « S'ils veulent vraiment aider la planète, il leur serait très facile de se mettre d'accord sur un seul moule, ou peut-être deux ou trois moules de bouteilles en verre réutilisables. Peu importe qu'un producteur achète à un fabricant ou à un autre, la bouteille serait la même. Peu importe aussi que cette bouteille soit vendue en France ou en Allemagne, elle serait réutilisable dans ces pays, évitant ainsi de devoir renvoyer la bouteille à la source ». Josep Maria Ribas y voit un moyen pour la filière de « réduire sa dépendance à l’égard des verriers », et pour les verriers de remplir leurs obligations en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. « Je pense qu'ils ont accepté qu’ils doivent jouer ce rôle et adhérer à ce système de réemploi des bouteilles. L'Europe va nous obliger progressivement à adopter ce dispositif, qui existe déjà et fonctionne très bien dans les secteurs de la bière et de l'eau. Il arrivera bientôt dans le secteur du vin ».
Pour l’heure, le responsable espagnol estime que la lenteur européenne, souvent décriée, pourrait ici jouer en faveur de la filière. « L’Europe a déjà des projets concernant la réutilisation des bouteilles, mais ils ne sont pas encore clairs. C'est la raison pour laquelle nous devrions devancer la réglementation et être proactifs. Cela nous serait avantageux, car si nous commençons à travailler sur la question et à expliquer clairement comment le problème peut être résolu à notre manière, en tenant compte de nos impératifs, les réglementations s'adapteront plus facilement à nos besoins que si l'Europe se contente d’en créer. Autrement, nous risquons de nous retrouver avec une solution qui convient plutôt à Coca Cola ou aux industriels. L'Europe regarde toujours la situation dans son ensemble, mais ne pense pas aux petits producteurs ».
Evoquant des prémices d’actions au niveau régional, Josep Maria Ribas explique que pour l’heure on se retrouve souvent dans une situation où « c’est le serpent qui se mord la queue. Les caves refusent de s'engager dans cette voie parce que la logistique n'est pas en place, il n'y a pas de collecte, pas de stations de lavage, etc. Il faut que toutes les pièces du puzzle soient assemblées en même temps pour que cela fonctionne. Nous savons que plusieurs caves s’intéressent à cette solution, mais elles attendent simplement qu'une norme émerge ». Seule une démarche globale impliquant à la fois, les producteurs, les verriers et les détaillants pourra réussir, insiste Josep Maria Ribas, qui pointe également l’importance d’alliances comme l’International Wineries for Climate Action (cofondée par la maison Torres) et la Sustainable Roundtable, qui compte des enseignes de distribution comme membres. « Nous savons qu'avec des solutions en plastique comme le bag-in-box ou le PET, nous pourrions réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais nous ne sommes pas très à l'aise avec cette solution car nous savons qu'il y a un problème de recyclage. Pour nous, le réemploi des bouteilles, que nous utilisions dans le passé, a du sens. Il devrait se concrétiser d’ici moins de trois ans, et nous allons y consacrer tous nos efforts ».