Mikaël Cousinet : Nous avons tout subi. Le gel, la grêle et la sécheresse ! Pour la récolte 2022, nous aurons 40 % de pertes en vins blancs et 25 à 30 % de pertes en vins rouges. C’est un cas assez fréquent en Gironde, il n’y a que Saint-Émilion qui soit épargné.
Commercialement, nous avons déstocké en 2021, grâce à des contractualisations pour Larraqué Vin International (LVI) et des achats croissants de Cordier (groupe InVivo) et d’autres négociants. Nous travaillons avec des maisons qui veulent développer des contrats pérennes et durables. Avec la contractualisation, nous commercialisons globalement plus que nous ne produisons*. Ce qui est atypique à Bordeaux. Nous louons de la cuverie disponibles aux opérateurs qui sont en manque de lieux de stockage. Nous développons notre force de vente en propre sur la France (Grande Distribution et Cafés, Hôtels, Restaurants) et nous prévoyons une restructuration sur l’export (notamment face aux difficultés en Chine).
Financièrement, nous sommes plombés par les cours, trop bas. L’activité est difficile. L’an passé, les cours n’étaient pas glorieux, mais ils sont plus élevés qu’actuellement. Nous avons mis en place un plan d’économie. Il y a encore des vinifications sur les sites de Flaujagues et de Villefranche-de-Lonchat, mais il n’y a plus que l’embouteillage à Lèves et il n’y a plus rien à Vayres.
Comment percevez-vous les demandes actuelles d’arrachage ?
J’ai une double casquette, je suis président d’Univitis et également élu de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA 33). Il y a un double enjeu. Pour la coopération, un plan d’arrachage ne fait pas forcément plaisir pour se projeter sur des volumes. Mais il y a de tels volumes de stocks que nous pensons qu’il faut un plan d’arrachage pour que les gens puissent partir dignement. Qu’il n’y ait pas de suicides. L’arrachage est une mesure sociale. Sur le calibrage de la demande, c’est dur de se projeter. On verra bien ce qui va se faire.
Mais personnellement, je pense que l’arrachage ne fera pas tout dans la relance des vins de Bordeaux. Il faut continuer à financer la communication, la promotion, l’aide à la commercialisation… il faudra un panel d’aides pour que la viticulture passe le cap. Pas seulement à Bordeaux, on parle aussi de distillation ailleurs.
Quelle est votre politique en termes de conversion à la bio ?
Il n’y a jamais eu pas d’aide à la conversion pour Univitis. Notre objectif est de commercialiser ce qui est produit. Nous allons prochainement passer de 10 à 250 ha en bio. Cette croissance s’appuie sur la contractualisation, nous n’avons pas d’inquiétude. Avec la croissance en bio de Bordeaux, il y a un risque de déséquilibre entre l’offre et la demande. Donc un risque de baisse des prix.
Comment voyez-vous l’avenir des vins de Bordeaux ?
C’est une période compliquée, mais Bordeaux se réinvente. Nous avons lancé un rosé IGP de l’Atlantique et en six mois nous en avons vendu 130 000 cols. C’est un très beau lancement, comme nous n’en avions plus vu depuis longtemps. Nous nous diversifions, avec 10 % en IGP et vins de France. Sur les vins d’appellation, nous travaillons sur des vins rouges plus faciles à boire, plus souples. Notre seul but, c’est de répondre à la demande des consommateurs. Nous avons arrêté de vouloir faire plaisir à nos œnologues.
* : Michaël Cousinet indique un ratio stock/commercialisation d’un an et demi.