uelle est cette vigne aux feuilles étranges qui pousse, seule, aux abords de ma parcelle ? La réponse se trouve probablement dans Vitis, le livre du botaniste Max André. Riche de plus de 450 illustrations, cet ouvrage recense 58 espèces de vignes qui ont pris la clé des champs, partout en France, et la vigne sauvage.
« La seule vigne sauvage au sens strict en France est la lambrusque, ou Vitis vinifera subsp. sylvestris de son nom scientifique. C'est la mère de Vitis vinifera subsp. vinifera, la sous-espèce à l'origine de nos cépages, décrypte Max André. La lambrusque est une liane majestueuse, que l'on trouve essentiellement en forêt et qui atteint 25 à 30 mètres de hauteur. Les pieds femelles donnent de tout petits grains, et ses feuilles sont souvent d'un rouge intense en automne. » Attention : n'en rapportez pas chez vous après une balade. « Elle est protégée, car en voie de disparition. Sa destruction est passible de 9 000 ? d'amende. »
Mais le gros de cet inventaire concerne les vignes ensauvagées. « En tant que botaniste, je ne m'intéressais qu'à la lambrusque au départ. Mais il est difficile de la distinguer des nombreuses vignes que l'on trouve dans la nature, parfois cinquante ans après une culture. J'ai donc décidé de dresser l'inventaire de cette flore », se souvient Max André.
Pour ce faire, le chercheur se lance dans un tour de France. Avec l'aide de deux ampélographes [lire encadré], il parvient à inventorier la plupart des cultivars observés çà et là en bord de routes, de parcelles ou de forêts. En général, des vignes issues de porte-greffes ou d'hybrides producteurs directs. « C'est un livre de botanique, mais aussi un livre de l'histoire de l'encépagement français depuis 1850 », résume le botaniste.
Ainsi, l'ouvrage décrit le Gloire de Montpellier, une sélection de Vitis riparia, ou le Rupestris du Lot. « Ce sont les premiers porte-greffes américains, non hybridés. Aujourd'hui, on les retrouve un peu partout en France à l'état ensauvagé. Sont aussi répertoriés « les hybrides producteurs directs américains, pour certains interdits en 1934 : le Noah, le Clinton? ». Et des hybrides producteurs directs franco-américains, comme l'Isabelle, le Jacquez, ou le Baco noir, « très présent dans le Nord-Est ».
L'ouvrage donne les clefs pour les identifier : « la forme et la couleur des feuilles, bien sûr, mais aussi leur pilosité. Les fruits et l'apex donnent également des indications importantes », dévoile Max André. Toutes ces variétés ont un point commun : « elles ont survécu à la fin de leur culture grâce à leur résistance aux maladies. »
Publié en 2020, Vitis (156 pages) a reçu le prix de l’OIV 2021 dans la catégorie « Viticulture ». L’auteur principal, Max André, est président de la société botanique de Franche-Comté. Les ampélographes Jean-Michel Boursiquot (Montpellier SupAgro) et Thierry Lacombe (Inrae Montpellier) ont également apporté leur pierre à l’ouvrage. Vitis est en vente en ligne (35 €) sur le site du conservatoire botanique de Franche-Comté, cbnfc-ori.org.