Carol Duval-Leroy : Nous sommes restés enfermés pendant longtemps, sans activité, et je me suis dit : qu’est-ce que je pourrais bien faire pour mes 30 ans à la tête de la maison ? Je voulais aussi raconter cette histoire à mes enfants et petits-enfants qui me posaient beaucoup de questions. Nous avons cherché ensemble les photos qui composent le livre, c’était amusant, je l’ai vraiment écrit sans prétention, spontanément.
Nous avons vécu une période difficile avec cette crise sanitaire, ce livre est un échappatoire, au décès de mon mari, j’avais aussi beaucoup écrit.
Dans le livre vous évoquez "un handicap", celui d’être étrangère, mais aussi d’être une femme. Pensez-vous qu’il est aujourd’hui plus facile d’être une femme en Champagne ? Y a-t-il eu de vrais changements ?
Je pense que c’est toujours un handicap, selon moi, on confie toujours des missions aux femmes qu’on ne confierait pas à des hommes. Dans les instances champenoises, il n y a pas de femmes, à croire qu’on n’en trouve pas. Même si aujourd’hui dans les maisons vous trouvez de plus en plus de femmes. Mais globalement, il n y a pas beaucoup de changements.
Pourquoi faut-il tellement de temps pour que les femmes accèdent à ces postes ?
Indépendante, libre, fonceuse, vous vous définissez comme une "lionne", est-ce que vous diriez que vous êtes un modèle pour les nouvelles générations de femmes à la tête d’une maison ou d’un domaine ?
Je ne me considère pas du tout comme un modèle. J’ai toujours défendu ce en quoi je crois. J’ai toujours défendu la Champagne à 100 %. Quand je suis devenue présidente de l’AVC (Association Viticole Champenoise) en 2007, on s’est beaucoup moqué de moi sur certains aspects à l’époque.
Mais ce qui a marché pour moi, c’est que j’ai toujours cru en ce que je faisais. Il faut rester vrai et faire ce qu’on l’aime.
Le fil rouge de ce livre autobiographique est la transmission. Est-il toujours facile de transmettre ? Quelles en sont, selon vous, les clefs ?
Cette transmission est différente des autres. Au décès de mon mari en 1991, mes enfants ont hérité de la maison. Moi je suis une régente.
Le but c’était que les enfants reprennent les rênes de la maison, j’ai toujours mis au courant mes fils de ce qui se passait chez Duval-Leroy. Mes 3 fils (Julien, Charles et Louis) ont pris naturellement leurs places dans l’entreprise. Mais je pense aussi que ça marche parce qu’il n’y avait plus de père, j’étais la seule interlocutrice.
Vos trois fils, Julien, Charles et Louis, vont vous succéder et vont marquer de leur empreinte l’après "Carol Duval-Leroy". Que doit-on en attendre ?
Mes fils feront ce qu’ils veulent. C’est une génération différente, avec beaucoup d’idées et de modernité. J’ai toujours imaginé la maison Duval-Leroy en prenant référence sur des maisons comme Bollinger, Pol Roger, des maisons très qualitatives et mes fils sont dans la même logique que moi.
Femme de Champagne, aux éditions Le Cherche-Midi (128 pages pour 16,50 €).