C’est la première fois de toute ma carrière que je vois du mildiou et de l’oïdium sur la même grappe. Il y a trente ans, j’aurais eu peur. Mais aujourd’hui je regarde la situation sans stress. Les nuits fraîches et le soleil de début septembre nous aident. La maturité arrive doucement. Les acidités sont préservées » juge André Kleinknecht, vigneron indépendant sur 9,5 ha en biodynamie à Mittelbergheim. En manque de bras cette saison, il a eu du mal à tenir la cadence de traitement qui l’a vu utiliser 2,8 kg/ha de cuivre et 40 kg/ha de soufre. Il s’attend cependant à une vendange autour des 45 hl/ha, autant que dans une année classique.
A Gertwiller, dans le même secteur, au domaine Burckel-Jung (20 ha), des parcelles atteintes voisinent avec d’autres indemnes. « Je l’explique par la vigueur » avance David Jung. Il mise sur un rendement autour des 30 hl/ha. Il a traité neuf fois au cours de la saison contre quatre fois habituellement. « L’humidité nous a empêché de griffer le sol un rang sur deux. Cela a été notre chance : tous les rangs sont restés enherbés et il n’y a pas eu de problème de portance. A plusieurs reprises, je suis passé dans chaque rang (au lieu de tous les deux rangs) pour éviter la propagation de la maladie ». A chaque fois, David a pulvérisé à 5 km/h 200 l de bouillie associant cuivre, silice, préparation 501 et tisanes (ortie, prêle, consoude, achillée mille feuilles, reine des prés). « Il fallait cibler les grappes sans oublier d’intervenir juste avant leur fermeture. Au 15 août, lors de la dernière sortie, j’ai ajouté du soufre. Une année comme 2021 fait réfléchir. Pourquoi ne pas s’entendre entre collègues, comme pour la confusion sexuelle, sur une stratégie collective de traitement pour éviter la dissémination des maladies ? »
A Eguisheim, près de Colmar, Hervé Gaschy, du domaine Paul Gaschy (9 ha), s’est souvenu dès le printemps qu’en 2016, la vigne avait mieux supporté la pression du mildiou dans les parcelles où l’herbe était haute. « Selon moi, elle a absorbé une partie de l’eau en excédent et a évité que la maladie n’atteigne la vigne. Cette année, j’ai renoncé à travailler un interrang sur deux » dit-il. Il a traité neuf fois et table sur 35 hl/ha en sachant que cette moyenne recouvre des situations à 10 mais aussi à 60 hl/ha.
« Il y a des choses incompréhensibles cette année. Les mêmes modalités connaissent des résultats très différents selon l’endroit » enchaîne Frédéric Schmitt, du domaine François Schmitt, 13 ha à Orschwihr, au sud de la route des vins. « Plusieurs paramètres ont dû jouer : les date de relevage et d’épamprage, le terroir sans doute aussi. Une vigne bien équilibrée semble avoir mieux supporté cette pression. De plus, les températures très fraîches le matin et inférieures à 20° en journée ont réduit l’efficacité du soufre contre l’oïdium. Je suis intervenu huit fois sur toute ma surface avec du cuivre sous différentes formes (sulfate, hydroxyde, gluconate), des tisanes de prêle et d’osier ainsi que de l’huile essentielle d’oranger. Sur une partie, je suis monté à onze traitements sur une partie. Je ne récolterai pas certaine vignes. Si ma moyenne d’exploitation arrive à 20 hl/ha, ce serait bien ! ».


Aucun de ces quatre viticulteurs ne remet son engagement bio en cause. Ils restent optimistes sur la qualité du millésime. Mais ils se préparent à des vendanges complexes. « Gérer les dates, les volumes à rentrer, la main d’œuvre, va ressembler à un grand casse-tête, mais ce sera la clé de la réussite » prédit Frédéric Schmitt.