e retour à la normale égaie la filière vin en France. Les restaurants accueillent de nouveau en salles, les portes ouvertes battent leur plein dans les vignobles, les perspectives de salons mobilisent les agendas… Bref, cette fin de printemps est marquée par les prémices d’une relance commerciale qui donne du baume au cœur aux opérateurs du vignoble. Mais dans un parfait mouvement de balancier, les tenants de l’hygiénisme montrent à nouveau leurs crocs et leur volonté de dénormaliser la consommation de boissons alcoolisées. Particulièrement tranchant, le dernier rapport de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale semble inspiré par la prohibition américaine, avec ses propositions de nouvelles restrictions de commercialisation (prix minimum, horaires limités de vente, réduction des licences IV…) et de communication (interdiction sur internet notamment) des boissons alcoolisées en général (et des vins en particulier).
Si d’aventure la filière vin souhaitait célébrer les 30 ans du French Paradox en 2021 (le concept ayant été formulé en 1991 par le défunt professeur Serge Renaud), c’était sans compter sur l’INSERM, qui remet en cause toute idée de bénéfice pour la santé d’une consommation modérée d’alcool et se tourne vers une autre création trentenaire : la loi Évin (le député Claude Évin l’ayant soutenue en 1991). « Le niveau de consommation d’alcool pour lequel le risque de dommages est minimal est de zéro verre standard par semaine » martèle l’INSERM, faisant écho à la position défendue il y a plus de dix ans par l’Institut National du Cancer (« le premier verre de vin est cancérigène »).
Quel qu’il soit, le nouveau monde conserve ce paradoxe éminemment français d’avoir le vignoble le plus réputé au monde et des experts médicaux les plus virulents à son encontre. Leurs préjugés sanitaires, pour ne pas dire puritains, contre tout discours positif sur la consommation d’alcool en général et le French paradox en particulier restent incompréhensibles pour les vignerons et négociants, qui prônent un art de vivre aussi culturel que responsable. En la matière, la filière vin et la civilisation française ont choisi : « j'aime mieux être homme à paradoxe qu'homme à préjugés » écrivait Rousseau dans son traité Émile ou De l'éducation (1762).