Ma seule préoccupation, c’est pouvoir continuer à travailler. Si je perds mon travail, mon exploitation, mon capital, mon domicile… Je perds tout. Être SDF et unijambiste à 50 balais, il y a mieux pour commencer une nouvelle vie » tranche Hugues Delayat, le propriétaire du château Hourbanon (cru bourgeois de 13 hectares, certifié bio et HVE). Le vigneron vient de lancer une action en référé contre la Macif pour obtenir les fonds lui permettant d’adapter son poste de travail et mettre fin « à leurs manœuvres dilatoires pour, je présume, attendre ma faillite et ne pas me régler à la hauteur du préjudice que je subis ».
Victime non-responsable d’un accident de moto en juillet 2018 causée par une sociétaire de la Macif, Hugues Delayat a perdu sa jambe gauche début 2019 : « j’ai choisi de me faire amputer la jambe pour garder une vie, plutôt que de garder mon membre biologique qui aurait amputé ma vie » explique-t-il. Si le vigneron a retrouvé son domaine au printemps 2019, il doit désormais faire appel à des aides extérieures. « Des valides ont du mal à rentrer par un trou d’homme dans une cuve. Alors quand on a une jambe de bois… » témoigne Hugues Delayat, contraint dans ses travaux dans le cuvier, mais aussi au vignoble : « j’ai un enjambeur Bobard qui fonctionne parfaitement, mais qui est à embrayage mécanique. Je ne peux plus faire fonctionner l’embrayage et le constructeur ne veut pas faire de modification pour des questions d’homologation. »
Devant adapter son poste de travail à son handicap, Hugues Delayat dispose d’une liste précise des matériels nécessaires qui a été réalisée par un ergonome, un médecin du travail et une infirmière de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Le vigneron peut estimer à 350 000 € les investissements en matériels nécessaires (tracteur à transmission hydrostatique, table élévatrice pour le conditionnement en palette, nacelle élévatrice pour accéder aux cuves…) et 25 000 € le coût d’un salarié en renfort (pour les manœuvres à l’année).
La mission d’expertise comptable conjointe pour déterminer les montants à régler par la Macif lui semblant être dans une impasse, Hugues Delayat a décidé d’ouvrir un contentieux. « C'est la justice qui statuera sur le montant des indemnités dues à Monsieur Delayat » répond la Macif, sollicitée par Vitisphere. Indiquant que « des premières indemnités ont déjà été versées à Monsieur Delayat ce qui lui a permis de s'équiper d'une prothèse de jambe de haute technologie », l’assureur précise que « l'état de santé de Monsieur Delayat étant consolidé et les médecins ayant rendu leur rapport définitif, une proposition d'indemnité a été transmise à Monsieur Delayat conformément à la Loi Badinter* laquelle doit permettre de poursuivre le processus d'indemnisation afin de régler définitivement les préjudices de celui-ci ».


Pour le vigneron, l’avis est net et tranché : la Macif cherche à gagner du temps et doit déjà lui verser les surcoûts liés à la période d’activité transitoire qu’il vit (estimé à 72 000 €/an). « Il n’est pas question que je perde tout » conclut Hugues Delayat, qui vient de souscrire un Prêt Garanti par l’État (PGE) pour gagner en trésorerie.
* : La Macif indique que « l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation étant régie par la loi dite Loi Badinter (du 5 juillet 1985), la Macif respecte ses procédures et les différentes étapes incontournables qui en découlent : appréciation du droit à indemnisation, expertise médicales, mise en cause des organismes sociaux, offres d'indemnisation provisionnelle et définitive... Ces étapes permettent d'évaluer le préjudice de la victime selon le principe de la réparation intégrale sans perte et profit. »