Sur fond de crise et de baisse de la demande, les tensions sont montées ces derniers mois entre les producteurs de raisins et les caves de vinification en Espagne, les premiers accusant les deuxièmes de tirer les prix vers le bas en rémunérant les raisins à des tarifs en dessous des coûts de production. Mais comment évaluer ces coûts ? Quand bien même une nouvelle loi sur la chaîne alimentaire oblige les opérateurs à couvrir les frais effectifs de production dans les contrats d’achat, dans le domaine du vin il n’en existe pas de mesure fiable. L’interprofession du vin d’Espagne (OIVE) a donc collaboré avec l’Université polytechnique de Valence pour préparer la première phase d’une étude sur les coûts de production du raisin de cuve.
Il en ressort un coût moyen au kilo de 0,50 €, mais comme toutes les moyennes, d’importantes disparités existent entre les régions et les pratiques culturales. Ainsi, en Galice et au Pays Basque, les coûts totaux sont les plus élevés, à 9 303 € et 6 144,17 € à l’hectare respectivement, tandis que ce niveau ne dépasse pas 1 872,31 € et 1 517,43€ à Madrid et en Estrémadure. Concernant les modes de production, le palissage sur des terres irriguées représente le système le moins cher, à 0,39€/kg, alors que ce même mode en terres non irriguées revient à 0,5179 €/kg ; pour des vignes en gobelet dans des zones non irriguées, le coût est estimé à 0,513 €/kg. Il s’agit là d’une première évaluation qui sera suivie en 2021 par une deuxième phase, destinée à étendre le champ d’application et l’étendue de l’étude afin de disposer de données segmentées plus fiables et plus précises.
D’ici là , le secteur se mobilise et s’organise pour faire face à la crise. Lors de leur dernière assemblée générale, les coopératives de Castilla-La Mancha ont annoncé leur volonté de réguler la quantité de vin entrant sur le marché. Elles ont activé une mesure d’autorégulation conformément au règlement communautaire 2020/975 qui autorise des accords sur les mesures de stabilisation du marché vitivinicole. Les coopératives s’engagent à produire un volume important de moûts, principalement issus du cépage blanc airén. L’objectif est de retirer 25 % du volume de raisins produits, ce qui représenterait environ 5 millions d’hectolitres. Par ailleurs, l’engagement prévoit également le retrait provisoire de la moitié de ce volume – sous forme de moût ou de vin sans IG ou AOP et/ou vin de cépage – par l’intermédiaire du stockage privé jusqu’à la fin avril.
Les coopératives, qui précisent que la mesure ne bénéficie pas de budget dédié, estiment qu’étant donné le poids de la coopération dans la production de vins à Castilla-La Mancha (80 %), cette stratégie permettra « de s’attaquer au déséquilibre entre l’offre et la demande ». Il s’agit d’une mesure volontaire, dont la mise en œuvre doit être encadrée par les services techniques des coopératives agro-alimentaires de la région. L’accord a été conclu après une analyse des données sur les stocks en Espagne mais aussi des prévisions de production dans les principaux pays producteurs européens. A la mi-septembre, les prévisions pour l’Espagne faisaient état d’une récolte de 43 Mhl de vins et moûts, dont 25,5 Mhl pour la seule région de Castilla-La Mancha.