e 23 juillet, la mission d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate de l’Assemblée Nationale a auditionné Roger Genet, le directeur général de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
Selon ses propos, en viticulture, l’Anses aurait identifié trois situations nécessitant un aménagement de l’interdiction du glyphosate. « Les terrains caillouteux, les terrains en forte pente, et la destruction des adventices vivaces. Dans ces trois cas, on envisage une interdiction d’utilisation du glyphosate entre les rangs et une limitation à 80% de la dose homologuée sous le rang. »
Pour Jean-Louis Cousinié, responsable technique de Touchat (34), réserver la possibilité d’utiliser du glyphosate aux vignerons qui travaillent en forte pente ou sur des terrains caillouteux est injuste. « Ce matin (le 30 juillet, NDLR), j’étais chez un client qui doit remplacer une pièce de son intercep. On lui a indiqué un mois de délai. Comment ferait-il sans glyphosate ? » De même, avec la généralisation du goutte-à-goutte, le distributeur voit le chiendent revenir en force l’été. « Et dans la région, on dit que l’intercep est le meilleur ami du chiendent, qui est une vivace, donc tout le monde est potentiellement amené à utiliser du glyphosate. Les mesures de l’Anses n’ont pas de sens. »
Une meilleure solution selon lui serait d’autoriser tout le monde à utiliser l’herbicide, sans avoir à le justifier. « On pourrait imaginer un quota assez restrictif, fixer la barre autour de 360g/ha/an. Chacun l’utiliserait comme il le souhaite. Cela forcerait les viticulteurs à faire des efforts, sans qu’ils ne se retrouvent dans une impasse. »


Dans l’Entre-deux-Mers, Eric Meynaud, viticulteur au Château Franc Couplet, partage le même avis. « Qui va nous dire si telle ou telle parcelle est mécanisable ? » Sur ses 140 ha, le viticulteur est confronté à toutes les situations. « J’ai des pentes, et des parcelles sur lesquelles les deux tiers du rang sont pierreux. Si la mesure passe, cela va être ingérable. »
Le viticulteur n’utilise du glyphosate que sous le rang, et n’en met dans ses plantiers qu’à partir de la troisième année. Tout le reste est enherbé. « Cela ne représente que 30 % de mes surfaces, et dans mes parcelles argileuses, travailler le sol est impossible, tempête-t-il. Aujourd’hui, on ne peut pas se passer complètement du glyphosate. En revanche, on peut abaisser la dose. Le gouvernement pourrait fixer une limite à 1 800 g/ha/an, pour tout le monde. »
Référent vigne d’Inovitis, dans le bordelais, Stéphane Giry-Laterrière aurait aimé que les fortes pressions fongiques fassent aussi partie des situations à impasse listées par l’Anses. Marqué par une année très compliquée, il estime que le minimum serait que les vignerons puissent continuer à utiliser du glyphosate sous le rang une fois par an. « Sans ça, je ne vois pas comment ils vont pouvoir garder leurs sols propres, la mesure prophylactique la plus efficace contre le champignon. »
Il rappelle aussi que les vignerons ne vendent plus leurs vins, qu’ils n’ont pas les moyens de s’équiper. Dans l’Aude, ce sont aussi les impasses financières et humaines que Charles Crosnier, responsable technique pour PCEB, met en avant. « C’est bien de parler de parcelles mécanisables et non mécanisables mais les politiques ont-ils calculé le surcoût du travail du sol ? Les viticulteurs sont prêts à passer au travail mécanique, voire à la binette, si on leur met du monde derrière. L’Anses et les politiques sont déconnectés de la réalité. »
Eric Meynaud a fait ses calculs. « Sur mon exploitation, il me faudrait au moins deux tracteurs et tractoristes, et trois outils supplémentaires. Arrêter le glyphosate coûte minimum 600 €/ha. Le prix actuel du tonneau à Bordeaux. »
Les mesures proposées par l’Anses pourraient entrer en vigueur dès avril. Elles ne seront valables que jusqu’en décembre 2022, date à laquelle le sort du glyphosate sera fixé au niveau européen. « L'Europe va le renouveler » espère encore Eric Meynaud.