Covid-19, rhinite, traumatisme crâniens…
La perte de l’odorat, handicap méconnu des professionnels du vin

Se penchant sur les effets anosmiques du coronavirus, l’Union des Œnologues de France s’est aperçu que les troubles olfactifs sont bien plus fréquents qu’attendus. Le travail sur une reconnaissance en maladie professionnelle se dessine.
C’est ce qui s’appelle lever un lièvre. Crise du coronavirus oblige, « dans cette période on entend beaucoup parler de pertes de goût » pointe Didier Fages, le président de l’Union des Œnologues de France, lors de son assemblée générale virtuelle ce 25 juin. Pour mesurer l’impact réelle du covid-19 sur les capacités sensorielles des professionnels de la filière vin, le syndicat professionnel a lancé une étude d’impact sur l’odorat et le goût. Toujours accessible en ligne, ce sondage a déjà reçu la participation de 1 905 répondants. D’un âge moyen de 44 ans (64 % entre 24 et 51 ans), principalement français et masculin (à 80 et 61 %) et à forte majorité composé d’œnologues (60 %, avec également des producteurs de vins, sommeliers, cavistes, négociants…), cet échantillon de professionnels du vin a peu contracté le coronavirus.
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Seulement 53 personnes ont été atteintes par la covid-19 (soit 3 % des sondés), dont 68 % ont perdu l’odorat (33 sondés ont récupéré totalement leur odorat en 2 à 3 semaines, 15 l’ont retrouvé partiellement et 5 ne l’ont pas récupéré). Mais le résultat le plus marquant de cette étude est aussi le plus inattendu : 273 répondants (soit 14,2 % de l’échantillon) indiquent avoir déjà perdu l’odorat avant 2020. Dont 2 % n’ont jamais récupéré cette faculté. « Relevée à cause de la covid-19, cette problématique va au-delà. Des travaux complémentaires sont nécessaires » indique d’emblée le professeur Pierre-Louis Teissedre, premier vice-président de l’Union des Œnologues de France.
« On estime qu’entre 15 et 20 % d’êtres humains présentent une perte totale ou partielle de l’odorat » explique pendant l’assemblée générale le professeur Pierre Bonfils, le chef de service ORL de l’Hôpital Européen Georges Pompidou (Paris XV). Le spécialiste précise qu’il existe 80 causes à la perte de l’odorat : nasales (polypose), muqueuses (rhinite), virales (sur les cellules olfactives), nerveuses (traumatisme crânien) et maladies neurodégénératives (avec l’âge). « Les cas sont multiples, mais il existe des possibilités de stabiliser l’odorat avec une consultation ORL » souligne Pierre Bonfils, qui fait état parmi ses patients œnologues et cuisiniers d’un « retentissement psychologique lourd, nécessitant un important soutien moral face à ce handicap majeur ».
« Notre préoccupation en tant que syndicat professionnel est d’aider nos adhérents. Notre outil de travail est notre nez, il est essentiel de déguster chaque jour » pointe Didier Fages. A l’avenir, l’Union des Œnologues de France compte mettre en place un plan d’actions, qui pourra s’appuyer sur son fonds de dotation, afin d’accompagner ses membres et anticiper ce risque. Le syndicat compte également préparer un dossier sur le risque de maladie professionnelle liée à l’impact du covid-19.