Les conditions météorologiques ont favorisé une maturation précoce des raisins cette année dans les vignobles espagnols. Ainsi, dans la région méridionale de Montilla-Moriles, les vendanges ont débuté le 20 juillet tandis que dans la province de Ciudad Real, des opérateurs comme l’importante coopérative El Progreso à Villarrubia de los Ojos prévoit de débuter les vendanges pendant la première quinzaine d’août avec, là aussi, deux semaines d’avance sur 2018. Invoquant l’impact de la sécheresse sur la vigne cette année, le président de la coopérative – membre du groupe Vidasol qui élabore 1,2 million d’hectolitres de vins par an – affirme que « les baies sont déjà en train de souffrir et nous prévoyons une diminution de la production d’environ 30% ». Outre la sécheresse, les vignobles de Castilla La Mancha ont été impactés par de multiples aléas cette année, dont la grêle et les attaques parasitaires. Mais c’est le manque d’eau qui préoccupe actuellement les producteurs. Le président de l’association des jeunes agriculteurs (ASAJA) de Ciudad Real, Pedro Alcolea, a expliqué la semaine dernière que l’absence de précipitations affecte de manière significative les 40% du vignoble non irrigué. « S’il n’arrive pas de précipitations dans les prochains jours, la diminution de la récolte pourrait être très importante ».
Des mesures de gestion réclaméesIl n’empêche qu’une réduction sensible de la production de vins cette année ne signifierait pas pour autant une remontée des prix. Une récolte de vins et moûts en 2018 qui a avoisiné 50 millions d’hectolitres, soit un surplus de 12 à 15 Mhl, conjuguée à une baisse de 5% des exportations de vins en vrac sur les dix premiers mois de la campagne, se sont traduites par des stocks en hausse de 23% à fin mai pour un total record de près de 42 Mhl, auxquels s’ajoutent les moûts. Dans ce contexte, les différents organismes professionnels demandent aux pouvoirs publics de mettre en place des mesures de régulation du marché, pour tenter de lisser les fluctuations de production et donc de prix. Le 20 juillet, le ministre de l’Agriculture de la région de Castilla La Mancha s’est montré réceptif à leurs appels et a promis de solliciter le ministre de l’Agriculture sur le plan national pour retirer une partie de la production de vin si la récolte augmente par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes, une demande émanant des organismes agricoles. Pour sa part, le ministre régional estime que cette mesure permettrait d’envoyer « un message aux vignerons, aux coopératives et aux viticulteurs qu’il faut contrôler les rendements et ne pas récolter des raisins à moins de 9° ». Ce qui peut paraître incongru eu égard aux annonces concernant le potentiel de la production… Dans le même temps, les organismes agricoles réclament une nouvelle loi de la vigne et du vin pour Castilla La Mancha qui permettrait d’ajuster le volume produit lors de chaque campagne. Dans l’immédiat, une aide compensatoire pour les vignobles cultivés sans irrigation a été promise par le ministre régional, tandis qu’une mesure portant sur le stockage n’a pas été approuvée par la Fédération espagnole du vin au sein de l’interprofession nationale qui réunit producteurs et opérateurs.
Augmentation de la capacité de cuverie pour certainsCertaines structures ont pris les devants. C’est le cas de la coopérative El Progreso qui termine des travaux d’extension sur sa cuverie « pour disposer d’une plus grande marge de manœuvre ». Réalisés grâce aux aides Vinati, qui subventionne des projets de transformation et de commercialisation qui améliorent la performance des entreprises vinicoles, les travaux portent à environ 1 million d’hectolitres la capacité de cuverie de la cave. Est-ce grâce à cette plus grande capacité de réception de la vendange, toujours est-il que le président de la coopérative, Jesús Julián Casanova, se montre optimiste quant au déroulement de la prochaine campagne : « Nous allons bien, et les retiraisons de vins en vrac se sont déroulées correctement. Nous n’avons pas connu de problème d’arrêt des retiraisons et nous avons la capacité de réceptionner la prochaine récolte, qui sera plus faible, de manière confortable. Nous vendons déjà des vins à retirer en octobre à des niveaux supérieurs de 10% aux prix actuels ». Mais son optimisme n’est pas partagé par tous, loin de là. Tout en déclarant qu’il est « trop tôt pour faire des suppositions » sur une éventuelle baisse des prix, le président des jeunes agriculteurs affirme qu’il y a « beaucoup de vin non vendu et qu’il est plus urgent que jamais de prendre des mesures ». Son avis trouve écho au sein de l’organisme agricole UPA, qui évoque « un besoin urgent de mesures immédiates à court et à moyen terme ». Autrement, l’union affirme qu’il y a un risque « que les prix de cette saison et les suivantes redeviennent ridicules, comme cela s’est produit par le passé ». Et de conclure que, si ce scénario se concrétisait, beaucoup de producteurs pourraient opter pour « un changement radical en faveur d’autres cultures. C’est déjà en train de se produire ».