n devenant aérien et automatisé, le traitement phyto redécouvre tout l’enjeu de ses réglages pour assurer son efficacité. « L’application de produits avec un drone n’entraîne pas plus de dérive au sol qu’avec un tracteur. On trouve la dérive de référence pour les applications au sol en viticulture (selon JKI, Rautmann). L’enjeu concerne la performance de traitement, qui nécessite d’être optimisée. La ligne de vol est importante, comme la hauteur et la vitesse » résume Pierre-Henri Dubuis, phytopathologiste à l’Agroscope de Changins (Suisse). Ayant présenté les résultats des trois années d’essai du projet Vidrone* lors d’un symposium sur la viticulture héroïque, ce 26 avril à Lyon, le chercheur fait de ces traitements aériens automatisés une alternative intéressante aux atomiseurs et autres hélicoptères pour les parcelles en forte pente.
En matière de performance environnementale, « dans le cadre d’application d’un produit, la dérive mesurée au sol est similaire entre un drone et un tracteur jusqu’à six mètres. Ensuite, la pulvérisation par drone entraîne moins de dérive, le flux d’air étant cylindrique et vertical, il amène vers le sol le produit » explique Pierre-Henri Dubuis. Qui n’a pas encore publié ses résultats, mais s’appuie sur des mesures de dérive réalisés sur des zones tests de 2 000 mètres carrés en 2018 (sur terrain nu en avril, puis sur vigne en juin, août et octobre). La dérive a été mesurée par fluorescence, avec une solution adaptée et des prélèvements de feuilles sur les parcelles et de panneaux en bordure. Pour avoir un aperçu du protocole expérimental, voir dans l'encadré les vidéos réalisées pour les deux drones testés (AgroFly et DJI Agras).


Mais concernant « la qualité et l’efficacité de la pulvérisation, les drones sont actuellement en dessous des applications par tracteur. L’outil n’est pas encore très performant » reconnaît Pierre-Henri Dubuis. Le chercheur souligne qu’avec un traitement réalisé en survolant la végétation, tout le défi est d’y faire pénétrer le produit de manière homogène. D’après les mesures sur le feuillage (voir photo ci-dessous), ce sont essentiellement les faces supérieures du haut du feuillage qui concentrent le traitement, la zone des grappes étant globalement peu traitée (notamment sur les faces supérieures). Avec les modèles testés, les quantités de produits déposées par drone sont 6 à 200 fois inférieures à un traitement de référence par tracteur, et sont comparables à un traitement par hélicoptère. En termes d’efficacité contre l’apparition du mildiou, les traitements par drone ont donné selon les vignobles, et la pression sanitaire, des résultats variables, toujours moins bons que ceux la référence tracteur, mais aussi meilleurs que le témoin non traité.
Malgré ces résultats décevants, les drones conservent cependant leur « potentiel important. On peut optimiser la façon dont ils se déplacent. Il y a un savoir-faire à apprendre, afin de développer les bonnes pratiques » annonce Pierre-Henri Dubuis. Pour homogénéiser le traitement, il s’agit d’améliorer « la précision du vol (ligne de vol, hauteur et stabilité) », tenir compte de la « météo (surtout le vent) » et éviter les buses antidérive souligne le chercheur ;
Tenant notamment compte de ces évaluations, les traitements par drones ont été autorisé en Suisse (cliquer ici pour en savoir plus). « Ce n’est plus une expérimentation, c’est devenu un service » souligne Pierre-Henri Dubuis, pour qui ce déploiement permettra de gagner de l’expérience et de la précision pour cette nouvelle technique.
* : Devant proposer une procédure standard pour l’autorisation des traitements par drone, ce projet a été cofinancé par l’Organisme Fédéral de Environnement (OFEV), l’équipementier Agrofly et le fournisseur Syngenta.
Le drone AgroFly a été testé, dans une configuration de 6 rotors, 4 buses à cône creux (TXA 8004) et un réservoir de 15 litres.
Les essais ont utilisé le drone DJI Agras, ici avec 8 rotors, 4 buses à jet plat (XR 110 015) et un réservoir de 10 litres.