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Transition
Le nouveau visage du vin en Chine

Une nouvelle génération de jeunes Chinois, instruits, voyageurs et curieux, est en train de guider le marché vers une plus grande maturité et complexité. Exemple avec Jasper Sun, sommelier et propriétaire du bar à vins Wine Universe by Little Somms à Shanghai*.
Par Sharon Nagel Le 26 avril 2019
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Le nouveau visage du vin en Chine
L
e plaisir de déguster de bons vins au cœur de l’expérience

Il n’a que 28 ans, mais son parcours, et son palmarès, sont déjà impressionnants. Pour ne citer que quelques-uns de ses titres : vice-champion du concours de Meilleur Sommelier de Chine (2016/2017) et de la Grande Chine (2018), du concours de Meilleur Sommelier Français (2017/2018) et du Challenge international Sud de France de la Sommellerie. Ancien directeur vin auprès du groupe hôtelier Shangri-La, il est désormais propriétaire du bar à vins Wine Universe by Little Somms sur la Yuyuan Road, une rue historique de Shanghai, particulièrement bien placée pour attirer une clientèle aussi nombreuse que diversifiée. Sur deux étages, et 140m2, lui et ses deux associés mettent à l’honneur le métier de sommelier, et le plaisir de déguster de bons vins.

 

Parcours professionnel fulgurant

C’est sans doute à la France, et à l’une de ses anciennes colonies, qu’il doit une partie de son inspiration, et son enthousiasme débordant pour le vin. « J’ai fait un stage en Algérie dans l’entreprise d’ingénierie hydraulique de mon oncle à l’âge de 16 ans », raconte-t-il. « Là, j’ai vu pour la première fois, des vignes taillées en gobelet – en Chine, tout est conduit en pergola – et j’ai été surpris de voir de petites baies de raisin ». Son étonnement est encore plus grand lorsqu’il déguste les deux vins qu’il avait achetés – un merlot et une syrah. « Je me suis demandé pourquoi les deux vins étaient si différents ».

Cette curiosité marquera le début d’un parcours professionnel fulgurant, impliquant des stages chez des sommités du monde de la restauration, comme Anne-Sophie Pic à Lausanne, et des établissements de renommée mondiale comme Epicure au Bristol. Une formation de 18 mois en sommellerie à Bordeaux lui apprendra bien plus que l’art de servir du vin. « Lorsqu’on voit comment le vin est élaboré, on appréhende beaucoup plus que le simple côté marketing et consommation », se réjouit-il. De retour à Shanghai, il est chargé de gérer une équipe de 7 sommeliers à l’hôtel Shangri-La de Jing-An, au cœur de Shanghai, puis devient directeur vin du groupe.

 

Le positionnement prix est essentiel

Mais comme bon nombre de ses pairs, Jasper nourrit des ambitions bien plus grandes. Des ambitions carriéristes, sans doute, mais surtout une volonté farouche d’apprendre à ses compatriotes les joies de la consommation de vin. « Dans une ville comme Xi’an, où je vais ouvrir un bar à vins proposant uniquement des vins chinois d’ici la fin de l’année, 40 % des jeunes de mon âge veulent en savoir plus sur le vin », affirme-t-il. « Ils ne savent toujours pas dans quelles conditions il faut le boire – quels sont les bons verres par exemple – et nous leur apprenons comment y parvenir. Mais la curiosité est là ». Les moyens financiers aussi.

« Dans les villes de deuxième rang, les gens ont de l’argent mais ne savent pas comment le dépenser. Ils se lassent des boîtes de nuit et recherchent quelque chose de nouveau. Certes, on voit encore des consommateurs qui font « ganbei », mais les jeunes sont en quête d’autres expériences ». Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils ne sont pas regardants sur les prix. « Le positionnement prix est essentiel. Des tarifs intéressants encouragent les consommateurs à faire la transition d’un cocktail à un verre de vin. Le prix d’un seul cocktail peut être identique à celui d’une bouteille de vin ».

 

Wine Universe propose 800 références, dont 120 au verre.

 

Un renouvellement permanent

Dans son bar de Shanghai, Jasper Sun propose une très large gamme de prix, allant de l’équivalent de 3 euros le verre à 500-600 euros. La superficie de l’établissement – restreinte à cause des prix immobiliers mais aussi par volonté de maîtriser l’activité – est inversement corrélée à son nombre de références. « Nous proposons 800 références, dont 120 au verre, y compris des vins rares ». Le système Coravin, dont Wine Universe espère devenir le bar ambassadeur pour l’Asie sous peu, permet d’entretenir la curiosité de la clientèle. « Chaque semaine, nous proposons deux ou trois vins rares différents, et ils se vendent comme des petits pains », se réjouit ce sommelier francophile et francophone qui cherche à tout prix à partager son amour pour le vin.

Sa gamme se distingue par son parti pris : elle est axée à 50 % sur la Bourgogne, puis à 10 % sur les Champagnes de vignerons et à 20 % sur les vins natures. Pour le reste, Jasper Sun et ses collègues sélectionnent deux ou trois vins seulement par région, « la crème de la crème ». Interrogé sur la pertinence d’une proportion si élevée de vins natures sur un marché si jeune, il justifie : « Les consommateurs recherchent quelque chose de nouveau. Les « geeks » du vin sont de plus en plus attirés par les vins natures. Certes, ils ne représentent qu’un petit groupe de consommateurs, mais leur nombre est en progression ». Pour preuve, au moment où Wine Universe ouvrait ses portes en fin d’année dernière, un bar à vins natures – No Name – en faisait de même, toujours à Shanghai.

 

Forte concurrence

L’autre particularité de Wine Universe, ce sont ses heures d’ouverture, là aussi, intelligemment pensés car chaque horaire correspond à une clientèle différente. « L’été nous ouvrons vers 15h avec le brunch où nous proposons des mets de type bistrot français ou des tapas, par exemple, que nos clients consomment souvent avec du Champagne. Vers 18h30 commence le dîner, où nous voyons arriver beaucoup de gens qui partagent une bouteille de vin positionnée entre 20 et 50 euros. Ensuite, à partir de 22 heures, une clientèle âgée de 30 à 45 ans arrive après le dîner pour consommer des vins chers au verre, notamment du Bourgogne mais aussi du Bordeaux. Ils restent parfois jusqu’à 3 heures du matin. Nous n’avons pas d’heure de fermeture officielle ».

Cette souplesse est dictée par la forte concurrence qui règne à Shanghai, d’où la nécessité de trouver des points de différentiation. Pour Jasper et ses collègues, cela passe aussi par des réflexions, voire études, sur la nature des contenants – qu’ils soient verres ou carafes. « Nous voulons trouver des matériaux, des tailles et des formes qui subliment l’expérience de dégustation », reconnaît-il, évoquant une étude qu’il vient de mettre en place avec la maison de Cognac Martell pour trouver le verre idéal dans lequel servir des spiritueux chinois.

 

Une approche jeune et contemporain du vin

 

Les dépenses promotionnelles directement corrélées à la réussite

Ces expériences témoignent d’une volonté de s’approprier des produits qui ne sont pas issus de la culture chinoise mais peuvent s’allier avec elle. « Les opérateurs affirment souvent que la cuisine chinoise, qui se partage, n’est pas adaptée à la consommation de vin. D’abord, cette coutume de partage n’est pas très ancienne – elle n’a qu’environ 300 ans. Et puis, elle s’explique par l’envie de rafraîchir le palais, en passant par exemple de mets gras à des plats plus légers. Le vin pourrait très bien remplir la même fonction. Pourquoi ne pas imaginer deux ou trois verres de vin à table en même temps ». Pour Jasper Sun, l’alliance des mets et des vins est donc un faux problème. Il pointe plutôt l’absence de culture du vin comme barrière à sa plus grande diffusion, et note à quel point elle influe sur la structuration du marché.

« Comme les Chinois n’ont pas de tradition de consommation du vin, ils sont très sensibles à la promotion. Les dépenses promotionnelles consacrées aux différents produits sont donc directement liées à la pénétration du marché ». D’où le succès actuel du sauvignon blanc néo-zélandais, et le phénomène inverse pour le rosé. « Il n’y a pas de promotion en faveur du rosé », déplore le sommelier chinois, qui reconnaît toutefois que d’autres facteurs jouent également. « Il y a des problèmes liés au stockage, car chaque mètre carré est compté, mais aussi de prix. La marque Whispering Angel, par exemple, est présente en Chine mais le prix proposé aux professionnels atteint l’équivalent de 30 ou 40 euros ». Ajoutons à cela, le profil des vins : « Pour que le rosé fonctionne en Chine, il faudrait qu’il corresponde au style qu’on associe au Languedoc-Roussillon, aromatique et d’une couleur soutenue. Or, certains rosés ressemblent plutôt à des blancs et n’ont aucun arôme. Ils sont donc en concurrence directe avec des blancs aromatiques, dont il y en a beaucoup ».

 

Le rôle clé du sommelier

Les connaissances, du produit et du marché, de Jasper Sun illustrent bien la nouvelle approche des jeunes Chinois vis-à-vis du vin. Une approche fondée moins sur le paraître, et plus sur l’expérientiel et l’appropriation du produit. Dans ce contexte, et même s’il prêche logiquement pour sa paroisse, Jasper Sun croit fortement au rôle que peuvent jouer les sommeliers, surtout dans les villes de deuxième ou troisième rang, où les Chinois font plus confiance aux conseils acquis en direct. « Les formations de type WSET ne sont pas d’une grande utilité pour la plupart des consommateurs, qui préfèrent qu’on leur raconte l’histoire, la famille à l’œuvre derrière un vin. En tant que sommelier, c’est mon travail ».

 

Le grenache en vogue

*Jasper Sun a été sélectionné par le Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon pour être dégustateur lors du concours Grenaches du Monde, qui s’est tenu les 17 et 18 avril à Perpignan. Cette invitation tombe à pic, car le sommelier chinois explique que les 100% grenaches font partie des vins les plus recherchés actuellement parmi les jeunes consommateurs chinois.

Le palmarès de l’édition 2019 des Grenaches du Monde est disponible sur https://www.grenachesdumonde.com/palmares/

 

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