Jean-Benoît Meybeck : Dans ce deuxième tome, j'ai voulu présenter de cette façon très critique la "viticulture conventionnelle". D'une part pour exprimer mes convictions écologistes, qui sont fortes à la base et que la perte de biodiversité que nous connaissons actuellement confirme. Et d'autre part, pour faire un balancier par rapport à mes attaques, ou interrogations, sur la biodynamie. En attaquant la biodynamie, je ne voulais pas que cela passe pour un blanc-seing donné à une forme plus technologique de viticulture.
Après Cash Investigation ou l’UFC que Choisir, pourquoi cibler exclusivement les pratiques phytos conventionnelles de Bordeaux, qui n’est pas la seule région viticole française ?
Bordeaux n'est évidemment pas la seule région viticole française où l'on cultive la vigne de façon "conventionnelle". Mais c'est un symbole fort de ce type de viticulture, c'est un certain esprit et un certain style, la grande bourgeoisie et l’aristocratie auto-désignée de la viticulture française, c'est pourquoi je me suis basé sur cette région.
À la base, Cosmobacchus devait être réalisé en un seul tome, mais face à la masse d'information et la quantité de travail, j'ai décidé de le découper en trois. Le livre en un tome avait été écrit entièrement en 2015-2016, donc avant les reportages d’Élise Lucet. Bien entendu, des éléments nouveaux et mises à jour ont été ajoutés depuis.
Avant l'enquête, je donnais un certain crédit à la biodynamie que je considérais comme une agriculture naturelle à l'écoute des rythmes de la nature. C'est pourquoi quand j'ai découvert les bases spiritualistes et délirantes (au sens clinique) de cette pratique, j'ai été choqué et je me suis senti comme trompé. L'amusement que je montre dans le premier tome est en fait très moqueur, car je pense que le meilleur moyen de s'attaquer à ce genre de croyance n'est pas l'attaque frontale mais la dérision. Je reste d'ailleurs très étonné qu'on passe si facilement et d'une manière générale, de l'écologie à la spiritualité, alors que l'écologie devrait à mon sens se fier à la science plutôt qu'à l'occultisme pour être crédible et efficace.
C'est un peu le combat de Cosmobacchus : passer de l'écologie new age à l'écologie "rationnelle". Ces derniers temps, j'ai d'ailleurs presque mis un peu d'eau dans mon vin en ce qui concerne les pesticides, qui sont bien entendus nocifs pour l'environnement et les agriculteurs, mais dont les études scientifiques peinent à prouver la nocivité pour le consommateur. Je reste bien entendu extrêmement circonspect à leur sujet.
Quels seront les sujets abordés par le troisième tome ?
Le troisième tome de Cosmobacchus s'intéressera spécifiquement à la doctrine anthroposophique. Il y sera bien sûr question de vin, et notamment d'une dégustation de pesticides que j'ai pu réaliser avec le professeur Séralini, mais aussi des liens troubles entre l'anthroposophie, la biodynamie et le régime nazi (le camp d'Auschwitz par exemple était un laboratoire de culture biodynamique). On intéressera aussi à la place qu'occupe l'anthroposophie dans notre société, et les liens entre écologie et spiritualisme new age. Ceci dit, ce tome n'est pas encore écrit de façon définitive. Donc ça peut encore bouger. Ce qui est certain c'est qu'il s'intitulera "Sorat", qui est le troisième démon de l'anthroposophie, l'antéchrist solaire. Il devrait paraître en janvier ou février 2020.
* : Selon les textes du fondateur de la biodynamie, Rudolf Steiner, il s’agit d’un archange révolté contre Dieu.