haque année, l’embauche de travailleurs saisonniers dans le vignoble semble un peu plus difficile que l’an passé. Et 2018 semble marquer un nouveau tournant dans la pénurie de bras, et de motivation. Particulièrement exposés, les prestataires de services sont sur le pied de guerre depuis avril et les travaux en vert, ne lésinant pas sur les moyens pour recruter. « On communique plus pour trouver des ouvriers que des clients, c’est catastrophique ! » résume Benjamin Banton, le dirigeant du prestataire bordelais Banton & Lauret.
L’entrepreneur a ainsi mobilisé son secrétariat pour prospecter intensivement des candidats motivés sur une journée. Peine perdue, sur 400 coups de fil et SMS, seules quatre personnes intéressées ont pu être identifiées pour les vendanges. Sur un besoin de recrutement de 1 000 à 1 200 personnes sur la saison, Banton & Lauret n’a difficilement trouvé que 800 employés cette campagne. « Pourtant, on propose des postes en CDI, des casse-croûte à 10 heures, des primes à l’assiduité, des bus pour ceux qui ne sont pas véhiculés, des partenariats avec Pôle Emploi… » énumère Benjamin Banton, désemparé par l’inefficacité de ces initiatives. L’absentéisme ayant bondi à 17 %, le double d’il y a cinq ans.


« La difficulté avec les demandeurs d’emploi, c’est la fiabilité des candidats » confirme Sébastien Rigobert, le dirigeant du prestataire champenois G2VServices, passé en trois ans de 250 à 1 000 vendangeurs (en réponse aux contraintes croissantes de l’emploi vigneron, voir encadré). Pour mobiliser les bassins d’emploi locaux, « ce qui fonctionne le mieux, c’est de trouver des relais qui forment et constituent les équipes. C’est un travail de réseau reposant sur des personnes qui motivent les troupes » explique Sébastien Rigobert, qui va développer le recrutement en ligne, via les réseaux sociaux.
Mais l’enjeu du recrutement viticole commence désormais à déborder du cadre purement saisonnier. « Depuis le début de l’année, j’ai embauché 7 chauffeurs en CDI. Aucun n’a duré plus que quelques semaines. Même en payant 2 000 €/mois ils ne restent pas » soupire Samuel Lefranc, le gérant du prestataire languedocien Lefranc. Ne recrutant que des chauffeurs pour les travaux viticoles mécaniques (des traitements phytos à la machine à vendanger), le chef d’entreprise doit refuser du travail faute de personnel (ayant 8 employés quand il lui en faudrait le double).
« Cela fait vingt ans que je suis installé, c’est la première fois que je ne trouve pas de saisonniers motivés. C’est devenu mission impossible… On va venir aux travailleurs détachés, on n’aura pas le choix » regrette Samuel Lefranc. Venant souvent des pays de l’Est, « on voit de plus en plus de main-d’œuvre étrangère détachée : on a toujours prôné de faire travailler les gens du coin, mais dans les années à venir on sera contraint d’y réfléchir » concède également Benjamin Banton. Pour qui « il s’agit moins d’un problème de métier que de société. Les difficultés au recrutement touchent aussi la restauration, le bâtiment… »
Pour Sébastien Rigobert, si les vignobles français font face à une disparition de la culture du travail saisonnier, il ne faut pas cacher qu’on retrouve ces habitudes en Espagne, Pologne, Bulgarie ou Roumanie. Pour répondre au manque chronique de candidats locaux, G2VServices a choisi de diversifier ses recrutements, avec 60 % de saisonniers étrangers. « Ce ne sont pas des travailleurs détachés, ils sont déclarés en France et cotisent à la MSA. Cette main-d’œuvre étrangère nous coûte plus cher que celle française, avec les frais de transport, de logement et de traduction » précise Sébastien Rigobert. Qui explique agir ainsi « par éthique, que nos clients ne voient pas la main-d’œuvre étrangère comme une façon d’améliorer notre compte de résultat, mais une solution adaptée à l’enjeu de main-d’œuvre qualifiée ». Un défi dont la complexité devrait encore croître pour les vendanges 2019. Sans parler de la taille de l’hiver prochain.
Si les difficultés de recrutement expliquent le recours croissant des domaines viticoles aux prestataires de services, deux facteurs consolident ce besoin : les contraintes réglementaires sur les hébergements des saisonniers (la conformité des locaux mis à disposition demandant des mises aux normes coûteuses) et le poids des formalités d’embauche (déclarations, cotisations…).