n cette période de traitements phytos, c’est une question qui revient sans cesse : « demain il risque de pleuvoir. Que dois-je faire aujourd'hui et qu’aurais-je dû faire hier ? » pose Olivier Sommier, consultant senior pour la PME Ertus group, ce 24 mai lors d’une conférence du cluster Innovin à Bordeaux. Pour optimiser la résolution de ces dilemmes viticoles, et éviter les habituels regrets (qu’il ait plu un peu, beaucoup, ou pas du tout), Ertus Group a développé un outil d’aide à la décision qui pourrait marquer un tournant dans la viticulture de précision.
Baptisé Exapta, ce module optionnel du logiciel Process2Wine doit simuler en amont de la campagne les besoins de pesticides et de machine d'une propriété selon sa stratégie, puis de calculer en temps réel les risques de contamination de chaque îlot parcellaire en proposant des planification de traitements au cas par cas. « C’est le GPS qui vous dit où aller. Même si les conditions et l'itinéraire changent, il s'adapte toujours pour arriver à la destination : que tout le parcellaire soit couvert » résume Olivier Sommier. Soutien informatique au processus de décision des traitements, Exapta ne fournit cependant que des conseils, dépendant des curseurs fixés par le responsable technique, qui prend toujours la responsabilité de son calendrier phyto.
Concrètement, Exapta a été peaufiné et testé à partir des données recueillies durant les campagnes 2016 et 2017 par quatre propriétés bordelaises. Dont le château Chasse-Spleen (Moulis-en-Médoc), qui permet d’appréhender le tour de force de la modélisation effectuée (voir encadré). Prenant en compte 168 parcelles, 150 jours de protection à assurer sur la campagne, 17 matières actives utilisées, 8 tracteurs et 6 maladies ciblées, le chef de culture doit manier en saison « 500 000 variables de décision. Pour 10 1 500 000 solutions possibles… Heureusement qu’il a une tête bien faite ! » glisse dans un sourire Olivier Sommier.
Automatisant une partie de la décision, Exapta permet de rationaliser le planning de traitement. Obtenus a posteriori, les premiers résultats donnent des économies de 25 % des produits phytos et une hausse de 40 % de la disponibilité des machines. Sur le cas du château Chasse-Spleen, si plus de traitements sont réalisés sur la campagne (+13 %) et que le travail des opérateurs augmente (+16 %), il y a globalement moins d’achats de produits (-6 %) et moins de tracteurs nécessaires (5 utilisés au lieu de 7, ce qui diminue de moitié le coût comptable des équipements). « Le meilleur compromis consiste à faire des applications atomisées sur le vignoble, même avec des pulvérisateurs partiellement remplis. Ce qui va à l'encontre des habitudes » note Olivier Sommier.


Éclatant les traitements au cas par cas, le planning d’Exapta demande des actions plus ciblées, mais leur permet d’être plus efficaces. « La plus value d’Exapta est la réduction des coûts par la prise en compte informatique de toutes les contraintes » renchérit Olivier Sommier. « Vous pouvez ainsi vous permettre d'acheter du matériel de traitement confiné pour les parcelles périurbaines… » Avant une commercialisation lors du salon Vinitech (où les modalités de prix seront divulguées), Exapta doit encore être testé dans d’autres propriétés pour être définitivement validé. Des volontaires sont recherchés pour des essais par Ertus Group, et permettre de concrétiser ces résultats.
« En principe, tout est modélisé. Mais il n'y a pas encore de recul » témoigne ainsi Dominique Lafuge, le directeur de production du château Chasse Spleen impliqué dans le développement d'Exapta. « Ce modèle théorique a été validé sur nos données et donne des éléments stratégiques pour dimensionner le parc de machines. Mais il y a toujours des impondérables à prendre en compte pour supporter des risques avec des solutions de repli. Toutes les années et pressions sont différentes, les produits disparaissent » conclut-il, témoignant des enjeux sans fin de la protection du vignoble.
En travaux depuis plus de quatre ans, Exapta a été développé avec l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA). L’algorithme obtenu permet de modéliser mathématiquement l’optimisation des choix de traitements à partir de la mise en équation des stades phénologiques de la vigne, des maladies présentes au vignoble, des typicités du parcellaire (cépages, précocité…), des caractéristiques du matériel (largeur, débit, coûts…) et des produits (dose, rémanence…). Tout en proposant d’accompagner le vignoble dans sa transition environnementale viticole (conversion à la bio, mais pas que).