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Italie
Quand la France fait des envieux à l’export

Le grand rendez-vous annuel de la filière italienne, Vinitaly, ouvre ses portes ce dimanche à Vérone. Mais derrière l’image fédératrice projetée par cet événement majeur se profile un malaise au sein du secteur, en perte de vitesse sur certains marchés clés à l’international. L’expert italien en marketing Lorenzo Biscontin analyse les raisons de ces défaillances, et cite la France comme exemple de réussite.
Par Sharon Nagel Le 13 avril 2018
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D
errière le succès des Prosecco et pinot grigio…

En 2017, les exportations italiennes ont totalisé 21,4 millions d’hectolitres pour une valeur de près de 6 milliards d’euros, traduisant des augmentations respectives de 4% et de 6,4%. L’organisme de statistiques Ismea note, par ailleurs, que non seulement l’Italie consolide une tendance constatée depuis 2016 en volume, elle s’approche de l’objectif en chiffre d’affaires fixé pour 2020, à savoir 6,5 milliards euros. Ces résultats, qui paraissent tout à fait honorables étant donné les volumes et valeurs en jeu, ne satisfont pas pleinement les opérateurs, jaloux des prouesses françaises et espagnoles réalisées au même moment et inquiets du faible taux d’augmentation des parts de marché italiennes sur certains pays clés. Le succès phénoménal du pinot grigio et surtout du Prosecco ces dernières années a peut-être caché des défaillances fondamentales dans la stratégie marketing italienne, dont les effets commencent à se faire sentir.

 

Dispersion des fonds de promotion

Pour creuser les causes des difficultés rencontrées actuellement par les exportateurs italiens, le consultant Lorenzo Biscontin, ancien directeur du Gruppo Santa Margherita et de Bosco Viticoltori Associati, cite en premier lieu l’atomisation des moyens financiers. « Sur les marchés étrangers, nous ne nous comportons pas comme un seul pays. Sur une année, 200 événements liés aux vins italiens ont été organisés dans la seule ville de New York. Lorsqu’on discute avec des acheteurs intéressants, ils disent qu’il est impossible de participer à 200 événements par an ». Cette atomisation n’est pas uniquement le reflet de la filière elle-même mais également de la manière dont les fonds de promotion sont répartis. « Dans le cas des fonds européens, 20% d’entre eux sont centralisés alors que 80% sont gérés au niveau régional. Il y a donc autant de stratégies que de régions. De plus, au sein de chaque région les paramètres d’acceptation des dossiers peuvent varier. Ainsi, ce qui est acceptée dans une région ne le sera pas forcément dans une autre. La question est très sensible car si les dépenses étaient rationalisées, certains se retrouveraient avec des financements en baisse, y compris les agences chargées de gérer les actions ».

 

Une stratégie marketing à court terme

L’expert en marketing réfute les polémiques récentes autour des retards dans la distribution des financements européens. « Il n’y a aucun sens à affirmer au mois d’octobre 2017 que l’Italie a perdu des parts de marché parce qu’il y avait des incertitudes sur les financements pour l’année à venir. A aucun moment les opérateurs n’ont manqué de fonds pour promouvoir les vins italiens. Si l’on regarde les chiffres, on voit que l’Italie perd du terrain aux Etats-Unis depuis plusieurs années ». En cause, l’absence d’approche à long terme et une stratégie marketing de type « push », à l’opposé des méthodes « pull » mises en œuvre par la France par exemple. « Les vins italiens ont atteint un palier parce que nous avons épuisé le potentiel pour attirer de nouveaux clients potentiels en nous contentant d’organiser des événements et de rencontrer des importateurs. Une stratégie efficace à long terme, où nous communiquons sur la valeur des vins, est bien plus difficile à mettre en œuvre ».

 

Percée relativement faible en Chine

La France, qui a subi des années de « French bashing », notamment aux Etats-Unis, est citée en exemple par Lorenzo Biscontin pour sa capacité à s’implanter sur le long terme à l’export. « La France réussit bien mieux que l’Italie au niveau de la communication collective, sans doute grâce au rôle joué traditionnellement par ses négociants qui, historiquement, ont regroupé l’offre. La France fait également preuve d’une énorme aptitude à ouvrir de nouveaux marchés : sans elle, il n’y aurait pas de marché chinois aujourd’hui. L’Italie n’aurait jamais été capable de réaliser des efforts aussi concertés, concentrés et réguliers. La France a envoyé ses représentants en Chine, où ils sont restés pour éduquer les professionnels et les sommeliers, par exemple, transformant la Chine en pays consommateur de vins. Or, pour les entreprises italiennes, un projet sur trois ans est considéré comme du long terme, alors que c’est le minimum pour comprendre s’il faut poursuivre ses efforts ou non ». Et l’expert italien de noter que les défaillances constatées aux Etats-Unis risquent fort de se reproduire en Chine, pays où la percée italienne reste faible par rapport à celle d’autres pays producteurs : « La manière dont la filière italienne fonctionne aux USA affiche des similitudes avec ses pratiques en Chine. L’absence de résultats aux Etats-Unis va donc probablement entraîner des conséquences similaires sur d’autres marchés dont la Chine. Cela d’autant plus que le marché chinois évolue : il y a trois ans il suffisait d’avoir un importateur pour développer ses ventes. Aujourd’hui, il faut faire adhérer les consommateurs et l’Italie ne parle pas aux consommateurs. Au cours des prochaines années, vous ne pourrez pas être un acteur majeur sur la scène internationale sans la Chine ».

 

Un phénomène de cannibalisation

La réussite du pinot grigio et du Prosecco, aussi impressionnante soit-elle, porte en elle les germes potentiels de son propre échec. Tout en expliquant que le déclin d’une marque – « et le pinot grigio et le Prosecco sont des marques » - n’est pas inévitable « car tout dépend de la manière dont elles sont alimentées », Lorenzo Biscontin reconnaît que le succès du Prosecco s’est fait en partie au détriment du pinot grigio. « Le Prosecco n’a pas vraiment empiété sur les ventes de Champagne et de Cava, mais plutôt sur celles du pinot grigio car les deux partagent les mêmes occasions de consommation et cible de consommateurs. Ce sont des vins blancs ludiques, faciles à boire, consommés essentiellement par des femmes quasiment aux mêmes moments de consommation ». L’exemple est éloquent à plus d’un titre : « Les deux produits ont montré que sur un marché réputé très sensible aux prix comme le marché britannique, c’est plutôt le rapport qualité-prix qui est recherché et moins le prix en tant que tel. Les consommateurs ont fait la transition d’une bouteille de pinot grigio à 4,99 £ à une bouteille de Prosecco à 9,99 £ pour des occasions de consommation semblables ». Même le Prosecco connaît des limites, notamment des contraintes en matière de disponibilité : « Si le marché progresse de plus de 8%, il n’y a pas assez de vin ».

 

Les structures de promotion font défaut

Conscientes des failles du système de promotion générique italienne, les autorités ont tenté d’y remédier en confiant à Vinitaly et à ses organisateurs Veronafiere un rôle plus important dans ce domaine. Si les salons organisés à l’extérieur du pays ont connu, de l’avis de Lorenzo Biscontin, un succès limité sans commune mesure avec ce qu’a réussi Vinexpo à New York ou en Asie, la structure pourrait permettre de surmonter les faiblesses d’établissements existants comme ICE. « La différence entre ICE et un organisme comme Sopexa en France, c’est que Sopexa est une entreprise privée. Mais même avant sa privatisation, elle était beaucoup plus opérationnelle qu’ICE. Celui-ci est souvent considéré comme une entité coûteuse – avec des bureaux sur la 5ème Avenue à New York par exemple –  et sans efficacité réelle. Pour Vinitaly, le nom à lui seul est porteur car nous n’avons pas de dénomination comme Vin de France. Vinitaly pourrait centraliser les financements et en garantir une utilisation plus efficace ».

 

Un problème de perception

Enfin, autre handicap majeur pointé par l’expert : la perception de l’offre italienne. « Le prix des vins italiens est perçu comme étant plus faible que celui des vins français. Si on prend les données à la lettre, c’est vrai. Or, dans les faits, si l’on exclut Bordeaux et Bourgogne, l’écart de prix entre les vins d’appellation français et italiens n’est pas très grand. Les vins à indication géographique français sont même moins chers que les équivalents italiens. Souvent, on reproche aux grandes caves italiennes de vendre leurs vins trop peu chers. Le problème ne porte pas sur les prix moyens. Celui qui devrait faire l’objet de critiques est Gaia car même s’il vend des vins chers, leur positionnement n’est pas comparable à celui du Château Lafite, par exemple ». Dans le même temps, Lorenzo Biscontin souligne l’avantage compétitif dont bénéficient les opérateurs italiens mais dont on parle peu : « Le prix n’est pas l’unique facteur, il faut également regarder les coûts de production ». Et de citer une visite effectuée par un groupe de professionnels du Sud de la France à la cave Santa Margarita près de Venise. « Ils ont été étonnés de voir que toutes les vignes de pinot grigio se situaient en plaine, étaient entièrement mécanisées, produisaient un rendement de 19 tonnes à l’hectare et que les vins se vendaient en vrac au prix de 1,2 euro le litre. Une grande partie des vignobles comparables dans leur région d’origine n’étaient pas mécanisables,  formaient de petites parcelles et généreraient des rendements beaucoup plus faibles pour un prix pas si élevé. Regarder uniquement les prix moyens peut donc être trompeur ».

 

La complexité comme source de richesse

L’Italie ne jouit pas de ce seul avantage compétitif, insiste Lorenzo Biscontin. L’atomisation de la filière, qui s’avère préjudiciable en matière de promotion car entraînant la dispersion des financements, permet d’assurer une diversité de l’offre et de renforcer la résistance des entreprises en période de crise. « La multiplicité de l’offre italienne représente un énorme avantage. C’est ce que recherchent les consommateurs et à mon sens, c’est ce qui explique en partie la reprise des vins français. Qui plus est, les grandes tendances actuelles au sein de la filière – les vins bios, biodynamiques et vegan – ont été impulsées par les petites caves, suivies des grandes. Les petites structures, qui sont à l’écoute du consommateur, sont toujours pionnières ». L’enjeu principal pour l’Italie réside donc dans le regroupement des moyens pour transformer la complexité de la filière en richesse.  Et selon Lorenzo Biscontin, les professionnels italiens devraient tendre, à bien des niveaux, vers l’exemple français…

 

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