algré le gel du printemps 2017 et les diverses grèves aériennes et ferroviaires du printemps 2018, la présentation bordelaise du millésime en cours d’élevage a vu se presser la foule habituelle des 6 à 9 000 dégustateurs professionnels suivant les primeurs. En termes de perception du millésime, les retours sont dominés par l’étonnement assure Philippe Castéja, dans son rôle de président du Conseil des Grands Crus Classés en 1855. « Je pense que 2017 est un très bon millésime, avec beaucoup de fruit et d’élégance. Je ne suis pas sûr qu’il soit aussi hétérogène qu’on le dise » esquisse le propriétaire des châteaux Beau-Site (Saint-Estèphe), Batailley, Lynch-Moussas (Pauillac), Trotte Vieille (Saint-Émilion)...
Alors que les notes des dégustateurs continuent de tomber avec une régularité de métronome, les spéculations se portent désormais sur la campagne de mise en vente des vins en primeurs. Tout l’enjeu étant de prévoir les rythmes, prix et quantités qui sortiront après la récolte gelée en 2017. « C’est la grosse question de ces primeurs : quelle sera l’approche de la viticulture pour les sorties ? » souligne Philippe Castéja, prenant sa casquette de négociant, étant le président de la holding Borie Castéja Animation Participations (Borie Manoux, Grands Vins de Gironde, Mähler-Besse…).


Les propriétés devant arbitrer entre commercialisation en primeurs et conservation de livrables en bouteilles, « la mise en marché va être extrêmement difficile. Je ne suis pas sûr que les sorties se fassent de bonne heure. Entre les ponts de mai et la tenue de Vinexpo Hong Kong du 29 au 31 mai, il y a des chances pour que beaucoup de crus sortent d’un coup. Cela risque d’encombrer la campagne… » avance Philippe Castéja, pour qui la question des prix dépendra avant tout de la politique tarifaire de chaque cru. Une façon de dire que les jeux restent ouverts, pour une campagne qui s’annonce attentiste.
« Il n’y a pas d’usage en matière de sorties des prix en primeurs. Avant, la campagne de commercialisation commençait en janvier-février, avec les premières dégustations et les premiers prix. Ensuite il y a eu la spéculation sur les critiques anglaises puis américaines » rapporte Xavier Planty, le gérant du château Guiraud (grand cru classé en 1855 de Sauternes). La propriété est cependant iconoclaste sur la place de Bordeaux, ayant sorti le prix de son 2017 avant cette semaine des primeurs. Avec un prix de 31,50 euros pour l’export, soit un euro de plus par rapport à l’an passé, où la sortie en pré-primeur avait été lancée. « Ça s’est bien passé l’an dernier. Cela apaise les relations avec les importateurs, qui sont contents de connaître les prix quand ils dégustent. Nous avons même eu une commande passée par un acheteur anglais lors d’une dégustation » souligne Xavier Planty.