Je ne m’imagine pas une seconde qu’on ne puisse plus utiliser le cuivre à des doses qui permettent de protéger nos récoltes » pose Sylvie Dulong, la présidente d’Agrobio Gironde. Ce sentiment était partagé ce 28 mars, lors de l’assemblée générale de l’association bio au château Bétailhe, où les vignerons s’accordent sur la possibilité de diminuer les doses de cuivre, mais pas de s’en passer.
Semblant inenvisageable, cette possibilité est pourtant à l’étude au sein de la Commissions Européenne, qui doit trancher avant juillet sur la réapprobation de la substance active dans la réglementation générale des pesticides (rgt UE 1107/ 2007). Après le rapport rendu en janvier par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), l’issue du débat semble désormais être dans les mains des États Membres.
Mais d’après les dernières rencontres de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique avec les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, le gouvernement semble peiner à se positionner. D’où l’envoi d’une lettre signée par la Confédération Nationale des producteurs de Vins et Eaux-de-Vie à AOC (CNAOC), la Confédération des Coopératives Vinicoles de France (CCVF), la Fédération Nationale Interprofessionnelle des Vins de l’Agriculture Biologique (FranceVinBio), la Confédération des Vins IGP de France (VINIGP), les Vignerons Indépendants de France (VIF) afin d’interpeler la Direction générale de l’alimentation (DGAL) sur les risques d’une interdiction du cuivre.
« Toutes les organisations se mobilisent, comme le cuivre est utilisé par toutes les viticultures, le mildiou n’y développant pas de résistance » rappelle Sylvie Dulong, également secrétaire nationale pour la viticulture de la FNAB. Dont le conseil d’administration vient de voter une proposition : le statu quo, avec une reconduction du modèle actuel et de la dose fixée pour les bio*. Soit « 6 kilogrammes par hectare et par an lissé, assortie d’un discours sur notre volonté d’être en démarche de progrès continu, de travailler sur les alternatives et sur les besoins d’une méthodologie d’analyses toxicologie adaptée aux métaux comme le cuivre. » Ce dernier point est essentiel pour obtenir une reconduction européenne.


Actuellement, la Commission Européenne peut envisager trois suites au rapport de l’EFSA. « Soit la Commission décide de ne pas aller plus loin et l’approbation du cuivre touche à sa fin en 2019. Soit elle rédige un nouveau texte d’approbation laissant à chaque État membre la décision des conditions maximales d’utilisation. Soit elle propose l’extension de l’homologation actuelle pour laisser trois ans à l’EFSA, afin de proposer un nouveau guide d’évaluation plus adapté » présente Diane Pellequer, la chargée de mission viticulture pour la FNAB.
Car le modèle actuel d’évaluation de la toxicité du cuivre sur la faune et les utilisateurs suscite de nombreuses critiques. « Le modèle donne des résultats aberrants. Il prédit qu’au-delà de 0,37 microgramme par litre de cuivre dans l’eau, il y a une toxicité pour les poissons. Or, c’est une concentration inférieure aux taux de cuivre naturellement présent dans l’eau ! Tous les poissons devraient déjà être morts » souligne un rapport du lobbying européen pour le maintien du cuivre (EU Copper Task Force).
Mais dans le cas où l’autorisation d’utilisation du cuivre serait reconduite en l’état à l’échelle européenne, la filière vin devrait encore se mobiliser. La FNAB annonce que les firmes phytos auront en effet trois mois après le vote pour déposer des Autorisations de mise sur le marché (AMM), qui seront analysées en France par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). Or, l’Anses évoque depuis dix ans la nécessité de fixer à 4 kg/ha.an non lissé les doses de cuivre. Une position intenable pour les bio, qui plaident pour que les AMM soient adaptées à la réalité agronomique. Témoignant d’un risque d’impasse, l’étude de l’Institut technique de l’agriculture bio (ITAB) et de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), qui conclut à l’impossibilité de passer à 4 kg/ha/an de cuivre, lors d’années climatiques compliquées (notamment sur la façade atlantique).
« Ce n’est pas parce que l’on autorise 6 kg/ha.an que l’on utilise ces doses » soupire Sylvie Dulong. Elle souligne la nécessité d’accompagner les vignerons bio pour leur donner confiance, notamment lors de la conversion. Et conclut : « diminuer le cuivre, c’est faisable, mais il faut développer des alternatives. En termes de molécules ou de cépages résistants aux maladies cryptogamiques. Le cuivre reste une molécule soumise à substitution, elle est appelée à disparaître, mais il faut du temps. »
* : « Actuellement, dans la réglementation générale, il n’y a pas de limitation du cuivre au niveau européen. Les États Membres peuvent en décider (comme 3 kg/ha.an en Allemagne ou 0 kg/ha.an au Danemark). Il y a, en revanche, une limitation pour les producteurs qui appliquent le cahier des charges bio, avec un maximum de 30 kg/ha en cinq ans, avec la possibilité de lisser (selon l’annexe II du règlement européen bio 889/2009) » précise Diane Pellequer.