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C’est mon jugement, vous ne me demandez pas, mais je vous le donne ! » lance Pierre-Emmanuel Taittinger, le président des champagnes éponymes, lors d’un entretien des plus fantasques à la Cité du Vin, ce 30 janvier à Bordeaux. Alternant analyses géopolitiques (pour ne pas dire libérales) et humour potache (pour ne pas dire grivois), le gentleman de 64 ans est revenu sur sa candidature à la présidence de la République, effective pendant deux jours de juillet 2016. « Ce n’était pas une campagne publicitaire, en cinq jours j’ai reçu 4 000 soutiens. Mais j’ai renoncé pour des raisons intimes et personnelles » glisse-t-il, évoquant en creux les soucis de santé de sa compagne, Claire Taittinger.
Défendant une initiative personnelle*, il précise qu’il voulait se présenter pour porter un plan de réformes économiques, sociales, culturelles… « J’ai senti qu’il y avait un créneau… Il y a un qui a mieux senti que moi ce vide politique, c’est Emmanuel Macron ! » s’exclame Pierre-Emmanuel Taittinger. Qui estime sans fards que si sa candidature avait pu se poursuivre jusqu’à l’élection, il aurait été battu par Emmanuel Macron. « Je l’aurais attaqué sur son héritage politique, il a été responsable et au pouvoir pendant la gestion désastreuse du pays » revit le pétillant champenois.
Pour Pierre Emmanuel Taittinger, s’attaquer au déficit de la France est le nœud du problème national. « Quand on n’a pas de souveraineté économique, comment parler à Madame Merkel ? Il y a des gens qui n’ont pas besoin de faire de discours parce que leurs bilans sont sains » grince-t-il, estimant que la France est l’un des pays les plus mal gérés du monde (et soulignant que son père, Jean Taittinger, avait signé en tant que secrétaire d’État sous Pompidou les derniers budgets français à l’équilibre).
« Il faut aller plus loin en créant des fonds de pension français, il faut créer des trusts pour conserver les affaires. La France doit faire une révolution pour conserver son patrimoine » lance le candidat refoulé, faisant la promotion de dispositifs économiques en lien direct à son histoire familiale (voir encadré). « C’est tout ça que j’aurais aimé dire. On a des toilettes publiques dégueulasses, à Paris ou ailleurs. Quand on commence comme moi à avoir une prostate fatiguée, il est impossible de faire pipi » lance-t-il, sous les éclats de rire, mais dans la lignée de son pragmatisme et de ses saillies fantasques, qui sont pour lui la signature du champagne en particulier, et du vin en général.
« Nous sommes tous devenus des gens beaucoup trop sérieux. Je trouve regrettable que les producteurs de vins aient des statuts aussi importants » ajoute Pierre-Emmanuel Taittinger. « Nous sommes tous devenus des produits trop financiers. Que ce soit en Champagne, à Bordeaux, en Bourgogne, en Alsace… Les prix des vignobles sont devenus ridicules. Je trouve idiot une bouteille vendue 2 000 à 3 000 euros sur une carte. Quand un flacon est vendu plus cher que le salaire d’une infirmière en cancérologie, je trouve ça grotesque. »
Agacé par le sérieux de la Champagne actuelle, il plaide donc pour une approche « coquine ». Le président de la mission UNESCO Coteaux, Maisons et Caves de Champagne souligne ainsi que « le champagne est avant tout un produit amusant, frivole et sensuel, qui doit nous conduire à des ébats amoureux et rien de plus. Il a été lancé par les maîtresses de Louis XIV et Louis XV qui trouvaient que le roi les honorait mieux lorsqu’il en avait bu. »
Préparant comme annoncé sa retraite à 65 ans (et n'ayant plus de prétention à la présidentielle), le loufoque Pierre-Emmanuel Taittinger va passer le flambeau à la génération suivante. Il assure également préparer en « homme joyeux » sa mort : « la vieillesse doit être le dessert de la vie. J’en suis au fromage ! »
* : Mais réalisée avec l’accord de son conseil d’administration.
« On a vendu un groupe familial superbe qui marchait bien pour mettre de l’argent en banque » résume, non sans amertume et tristesse, Pierre-Emmanuel Taittinger. Marqué par la vente en 2005 du groupe familial hôtelier le Louvre au fonds de pension américain Starwood, Pierre-Emmanuel Taittinger s’enorgueillit d’avoir repris le contrôle de la maison de champagne familial pour 580 millions d’euros (avec le soutien financier du Crédit Agricole et l’appui des syndicats viticoles).
Après ces péripéties, il estime que la France se doit de conserver ses actifs. « Un grand nombre d’entreprises françaises ont périclité parce que leurs fondateurs ne se sont pas vus vieillir et au lieu de transmettre à l’âge de soixante ans leurs affaires à leurs enfants ou à d’autres » estime-t-il.
