epuis le durcissement fin 2015 de la réglementation en matière de traitement phytosanitaire par voie aérienne des vignes, des vignerons concernés, propriétaires de parcelles en très fortes pentes, restent dans l'impasse et continuent de se battre pour tenter de trouver des solutions alternatives. Celles-ci pourraient passer par le recours à des drones, capables de voler à basse altitude et de pulvériser de façon assez précise les produits pour limiter les dérives. La réglementation française interdit les épandages au moyen « d'aéronefs », englobant donc par défaut les drones (voir encadré). Or à cette époque, l'usage de cette nouvelle technologie pour l'agriculture n'était encore pas envisagé.


L'idée serait donc, pour les vignerons comme les constructeurs, de pouvoir la faire évoluer afin de la mettre « au goût du jour », par exemple en obtenant une dérogation pour les drones. « Cette technologie existe, nous devons pouvoir y avoir accès, afin de ne pas prendre de retard, estime Vincent Audras, vigneron à Juliénas, en charge de cette question pour le vignoble du Beaujolais. Si on arrive à adapter la réglementation, cet appareil a un bel avenir ».
« La réglementation bloque le développement de cette technologie qui pourtant permet de diminuer l'utilisation des intrants, déplore Philippe Gény, d'Agriload, une société qui propose déjà de l'épandage de trichogrammes par drone. Je ne vais pas investir et je ne peux pas lever de fonds alors qu'elle est interdite...On a les solutions en ingénierie, mais pas les moyens de conduire notre politique de R&D. Ce contexte est aberrant », poursuit celui-ci.
Pour y parvenir, les responsables professionnels et les vignerons doivent en premier lieu convaincre de l'intérêt et des résultats obtenus en terme de qualité de pulvérisation avec ce type d'outil... Difficile à faire lorsque la loi interdit toute expérimentation: « On manque de références d'un point de vue agronomique, car on ne peut pas les tester », confirme Jean-Paul Douzals, ingénieur Irstea spécialiste des drones.
Pour tenter d'avancer le dossier, a minima pour obtenir l'autorisation de mener des expérimentations, un groupe de travail, piloté par la FNSEA, a donc été constitué, avec entre-autres des « représentants » des différents vignobles concernés : Alsace, Côte Rôtie, Condrieu, Beaujolais. L'un d'entre eux, Stéphane Chaise, des domaines Schlumberger, a organisé en avril 2017 une journée de « sensibilisation » à destination des représentants des ministères, de la Direccte, de l'Anses et de la Fnsea. L'idée : leur montrer les contraintes topographiques du vignoble, la difficulté et la dangerosité pour les salariés de traiter des vignes pentues à plus de 45°, sur plus de 60 ha, avec des risques d'accidents à la clé.


Une démonstration de vol de drone au-dessus des vignes a également eu lieu, afin qu'ils réalisent que cet engin était « une piste à explorer ». « Nous devons arriver à prouver que le drone présente un plus pour la santé et l'environnement, par rapport aux solutions actuelles, explique Stéphane Chaise. Ce sera le seul moyen d'obtenir une dérogation ». Et pour y parvenir, il est même prêt à la demander uniquement pour l'épandage de produits bio. « C'est plus logique et raisonnable à défendre, on a plus de chances d'aboutir », précise-t-il.
Une nouvelle rencontre interministérielle sur le sujet est prévue très prochainement, cette fois à Paris. Un constructeur Suisse, Agrofly, y a été convié afin de présenter les résultats obtenus en terme de qualité de pulvérisation obtenue avec son drone, aujourd'hui fonctionnel. Mais Stéphane Chaise reste lucide sur la possibilité d'un déblocage rapide du dossier : « J'ai constitué un dossier de 200 pages sur le sujet, il ne se passe rien...C'est un verrou politique. Si le ministre est convaincu, cela peut aussi aller très vite... Mais il a des dossiers plus urgents ». Le dossier ne concerne de plus pas plus de 600 ha de vignes en très fortes pentes.
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Réglementation DGAC: Le drone peut être un ballon, un hélicoptère, un multirotor ; il est considéré par la Direction de l'aviation civile comme un aéronef ; utilisé à des fins professionnelles, l'exploitant doit avoir un permis et une autorisation de la DGAC ; la distance est de 100 m maximum, la hauteur 150 m et le poids du drone 25 kg. S'il dépasse, il est alors classé en catégories F et G, et est alors interdit de vol hors agglomération, sauf spécificités techniques précises.
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Le code rural interdit tout épandage de produits phytosanitaires au moyen d'aéronefs ; des dérogations temporaires exceptionnelles restent néanmoins possibles, sur arrêté, en viticulture en cas de « danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens ». En d'autres termes, en cas d'urgence dûment justifiée, à caractère imprévisible ou exceptionnel, notamment climatique, ou lorsqu'un organisme nuisible (mildiou, l'oïdium, le Black rot, les tordeuses, la cicadelle de la flavescence dorée) ne peut être maîtrisé par d'autres moyens que l'épandage par voie aérienne.
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Réglementation liés aux AMM des produits: Seuls certains produits phytosanitaires sont homologués pour les traitements par voie aérienne : ils ont fait l'objet d'une évaluation spécifique des risques liés à ce mode de pulvérisation et ont donc une AMM qui en tient compte. Mais la plupart d'en ont pas...Les substances classées comme engrais peuvent aussi être épandues par voie aérienne.