Nous avons voulu retrouver les malbecs de nos vielles vignes. Des variétés à plus petites baies et moins de grappes. Pour ne plus passer dans les vignes faire tomber les deux tiers des grappes pendant vingt-cinq ans ! » s’exclame Jean-Samuel Eynard, l’ancien président du Syndicat Viticole Des Cotes de Bourg. Il assistait ce 11 juillet à la présentation aux vignerons de l’appellation bordelaise des trois cépages retenus au terme de vingt ans de recherches.
Vingt années tournées vers un objectif : « revitaliser les malbecs des Côtes de Bourg, avec du matériel végétal innovant, sain et adaptés aux marchés » rappelle Olivier Zekri, le responsable R&D des pépinières Mercier, qui a porté depuis 2007 le projet de sélection massale, en partenariat avec le syndicat viticole. « Le malbec est un cépage coulard, on a développé des bêtes de course en termes de productivité. Aujourd’hui, on a la chance de proposer d’avantage de précision pour produire des profils plus concentrés » complète Miguel Mercier, le directeur général du groupe familial éponyme (produisant 15 millions de plants de vigne/an).
Homogénéité dans la diversité
Suivant la procédure Unik développée par le pépiniériste vendéen, cette sélection massale se base sur un an de prospection (avec 173 génotypes retenus, de l’Argentine au Val de Loire, en passant par Cahors et le Bordelais), deux ans d’analyses virologiques, cinq ans d’étude agronomiques d’une parcelle de 40 ares (plantée en 2009, pour 80 pieds de 23 variétés réparties aléatoirement*) et trois années de microvinification (sur les millésimes 2014, 2015 et 2016, pour des dégustations d’experts).
Les résultats phénologiques et œnologiques ont permis de retenir une sélection massale de sept individus. « Ils sont homogènes agronomiquement, ce qui facilite la conduite du vignoble (notamment pour les machines à vendanger), mais aussi œnologiquement, avec des profils en moyenne mieux notés que les témoins » résume Marion Sireux, la chargée de mission des pépinières Mercier. « Cette homogénéité est indispensable, mais avec une diversité intéressante. Une plantation de sélection massale peut permettre de remédier aux difficultés d’un millésime » note Olivier Zekri.
Sur les sept cépages sélectionnés in fine, trois originaires des Côtes de Bourg intéressent le syndicat viticole. Ce matériel sera à disposition dès la prochaine campagne de plantation. Désormais le partenariat entre le syndicat bordelais et la pépinière vendéenne passe par une question : faut-il demander l’agrément de ces variétés au Comité Technique Permanent de la Sélection (CTPS) ? Sans ce blanc-seing administratif, ces vignes ne pourront pas bénéficier des aides à la restructuration.
Si sept typicités ont été sélectionnées, il reste en place une collection de 23 individus, qui pourraient alimenter de prochaines générations de nouvelles variétés esquisse Olivier Zekri. « Avant que l’on obtienne l’agrément du CTPS et que ces variétés soient disponibles en quantité, on en a encore pour dix ans » tempère Jean-Samuel Eynard. « Ces plants sont déjà pour la prochaine génération » conclut-il. Désormais, le syndicat viticole compte se concentrer sur les enjeux environnementaux estime Didier Gontier, son directeur général.
* : Ainsi que deux témoins, les clones 595 et 1161).
Actuellement 300 hectares de malbec sont plantés sur l’AOC Côtes de Bourg. Sur 3 500 ha revendiqués en appellation (soit moins de 10 % des surfaces). La part du malbec, ou cot ou auxerrois, a tendance à croître, étant portée par le politique de restructuration du vignoble girondin (qui cherche à se défaire du merlot).