Même s’il est encore trop tôt pour estimer l’impact précis de la vague de froid sur la production italienne cette année, Luigino Lazzaretto évoque d’ores et déjà une baisse de l’ordre de 15%. « Quoi qu’il en soit, il est certain que l’Italie ne rentrera pas une récolte abondante cette année ». Suite aux intempéries, les réactions ne se sont pas fait attendre : « Nous avons constaté que les entreprises, non pas uniquement les embouteilleurs italiens mais aussi d’autres sociétés, ont augmenté leurs achats pour couvrir leurs besoins pendant les mois à venir, au moins jusqu’au mois de septembre, sinon octobre ». Force est de constater, comme le fait la société de courtage internationale Ciatti, que jusqu’à la mi-avril, le marché italien était atone, les embouteilleurs italiens et étrangers achetant au mois le mois ; ils pouvaient se le permettre car ils ne voyaient « aucun risque de pénurie sur le marché italien, notamment pour les rouges génériques », explique Ciatti. Pour les blancs, que ce soient les génériques d’entrée de gamme ou d’autres catégories, la situation était déjà plus tendue. « Les disponibilités en blancs étaient déjà plus faibles avant les gelées, donc les achats concernent notamment les vins blancs à l’heure actuelle, depuis l’entrée de gamme jusqu’au Prosecco », observe Luigino Lazzaretto.
Les acheteurs français peu actifs en Italie
Sans surprise, le marché du Prosecco est très actif, mais l’activité concerne aussi le nero d’avola et des vins de cépage comme le merlot, le cabernet et le chardonnay. En ce qui concerne l’origine des acheteurs, le courtier italien évoque l’implication des entreprises italiennes elles-mêmes, parallèlement à l’intérêt manifesté pour le vrac italien par les pays de l’Est. « Cette année, nous avons vu arriver des acheteurs en provenance de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie, par exemple. Dans le même temps, l’Allemagne et l’Europe du Nord restent de gros clients et la campagne se déroule bien ». Du côté de la France, Luigino Lazzaretto qualifie l’activité des acheteurs de « normale » : « Les acheteurs français s’intéressent indéniablement aux vins blancs, au chardonnay et au merlot mais l’activité n’est pas aussi évidente que parmi les acheteurs italiens. Peut-être que les Français ont des liens commerciaux plus serrés avec les producteurs espagnols en ce moment, mais personnellement, je trouve qu’ils sont peu actifs en Italie à l’heure actuelle ».
Interdépendance des marchés
Dans son dernier rapport mensuel, Ciatti avait évoqué l’éventualité de mouvements de vins blancs génériques depuis l’Espagne vers la France et l’Italie. Pour Luigino Lazzaretto, il est encore trop tôt pour le prédire avec certitude. « Cela dépendra des volumes récoltés cette année. Si la récolte espagnole est importante, alors nous verrons certainement des mouvements de vins blancs vers l’Italie ». Les productions peu abondantes dans certains pays de l’Hémisphère sud cette année ont eu un impact positif pour les metteurs en marché italiens. « L’ensemble des marchés au niveau mondial sont désormais plus ou moins interconnectés et les informations se transmettent rapidement. Cela étant dit, nos prix sont impactés essentiellement par notre production domestique. Si la production est faible et la demande soutenue, nos prix augmentent ».
Prix stables, sauf pour les blancs
Pour l’heure, les prix s’avèrent relativement stables par rapport à l’an dernier. « Je pense que nous nous positionnons à peu près au même niveau que l’Espagne et en dessous de la France. Les prix des blancs génériques s’échelonnent entre 33 et 43 cents le litre ; les rouges génériques entre 31 à 40 cts ; le merlot et le chardonnay entre 60 et 75 cts ; et le cabernet-sauvignon entre 65 et 80 cts. Globalement, les prix sont semblables à ceux de l’an dernier. En revanche, depuis les gelées, ceux des blancs génériques ont progressé ». Le phénomène est exacerbé par le niveau des stocks, limité pour les blancs, un peu plus important pour les rouges.
Arrêter de trop miser sur les effervescents
Pour Luigino Lazzaretto, le challenge désormais consiste à développer les marchés asiatiques, notamment la Chine qui s’est fortement appuyée sur l’Espagne comme pays fournisseur ces dernières années, et à réduire la dépendance du secteur italien sur les effervescents. « L’Espagne nous a pris des parts de marché en Chine, notamment sur les vins de cépage tels le merlot et le cabernet-sauvignon. Pour regagner des parts perdues, nous avons besoin d’une récolte quantitative et qualitative. Dans le même temps, nous devons développer la commercialisation de vins issus de cépages autochtones. A présent, le marché tourne autour des effervescents – le Prosecco et l’Asti en tête – et les vins tranquilles en souffrent. Chaque négociation commerciale est d’abord axée sur les disponibilités et les prix des effervescents. Nous aimerions voir progresser les ventes de vins à base de pinot grigio, nero d’avola et montepulciano d’abruzzo par exemple, de vins issus de cépages typiques, de même que les IGT et les DOC. L’intérêt manifesté en faveur des effervescents est une bonne chose pour l’Italie mais nous ne devons pas oublier que nous avons d’autres vins à vendre ».