Il ne faut pas seulement proposer une visite de chais aux touristes français, mais répondre à leur attente d’action et d’animations » explique le professeur Tatiana Bouzdine-Chameeva (Kedge Business School), lors de la matinée Innovation organisée par le cluster Inno’Vin ce 16 mai à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin de Bordeaux (ISVV). Se basant sur de récentes données sur les attentes des visiteurs français lors d’évènements œnotouristiques, la chercheuse estime que connaître les leviers intensifiant l’engagement des clients vis-à -vis des vins présentés, permet de les inciter à relation privilégiée débouchant sur achats. « À la fin, l’espoir de l’offre œnotouristique : c’est qu’il y ait des achats » résume Tatiana Bouzdine-Chameeva.
D’après un sondage réalisé auprès de 170 participants français à dix évènements dans le vignoble bordelais (visite de châteaux, dégustations gastronomiques, concerts, expositions, cours de sommellerie…), le volet pragmatique de l’évènement est la composante la plus appréciée par les participants. Pour augmenter l’engagement des consommateurs, il s’agit donc de concocter « une expérience qui implique une action physique, un acte pratique (comme faire un assemblage) » précise l’étude Branded Marketing Events: engaging Australian and French Wine Consumers, publiée avec des chercheurs australiens ce début d’année au Journal of Science, Theory and Practice).


« Une expérience terrain est la clé pour les évènements français » explique Tatiana Bouzdine-Chameeva. « Ils cherchent une expérience comportementale, où le vin est un support culturel d’échanges, et l’occasion de s’engager dans des discussions, d’interagir et d’être plus impliqués dans l’évènement. » Les animations et activités collectives (type débats, quizz…) sont ainsi conseillées, pour nourrir l’engagement avec la marque, et donc l’intention d’achat.
Cette approche patrimoniale n’est cependant pas transposable à tous les visiteurs. Ceux venant du Nouveau Monde semblent ainsi moins axés sur les volets historiques et patrimoniaux du vin. Également menée en Australie, auprès de 270 participants à 10 évènements œnotouristiques, l’étude conclut qu’ils sont plus sensibles à des approches sensorielles et cognitives, soit une approche focalisée sur la dégustation et la transmission de connaissances.
Pour répondre aux demandes des visiteurs, les vignerons doivent nécessairement apprendre de nouveaux métiers : accueil pour les dégustations et visites, pour l’hébergement et la restauration… C’était même point blocage dans années 1990 à Bordeaux se souvient Christophe Château, le directeur de la communication de l’interprofession des vins girondins. « Heureusement il y a eu depuis une prise de conscience du retard à rattraper. En étant mauvais en Å“onotourisme non seulement on perd de l’activité, mais aussi de l’image. Un touriste accueilli au château par des volets fermés et un accueil dans une autre langue que la sienne n’est pas séduit » s’exclame-t-il, pince-sans-rire.
« Ces nouvelles pratiques touristiques transforment des espaces de culture en lieux de promenade. Le vigneron devient un acteur du tourisme, un jardinier offrant aux touristes de beaux paysages à admirer et où se balader » analyse Amélie Robert, de l’Université de Tours. La chercheuse prévient que « les usages distincts entre espaces de travail et de loisir peuvent être source de conflits et d’incompréhensions. Notamment avec les traitements viticoles. » Ce qui nécessité des adaptations, en ligne avec les attentes des visiteurs/consommateurs.