Les opérateurs français du vin se recentrent sur l’Allemagne. Ce n’était pas le cas il y a deux ans ! » se félicite Denis Abraham, le responsable du pôle vins et spiritueux du bureau de BusinessFrance à Berlin. Préparant le stand « Pavillon France » sur Prowein*, l’expert rappelle une évidence : le salon international donne avant tout l’opportunité de rencontrer tous les opérateurs du marché. Et de les séduire avec la belle image des vins français, qui peuvent jouer la carte de la premiumisation. La montée en gamme poussant l’ensemble de la consommation outre-Rhin, qui ne se limite pas à de grands volumes pour de petits prix. « La France n’est pas attendue sur l’entrée de gamme. La génération de consommateurs qui a appris le vin avec Aldi et le nouveau monde cherche désormais à découvrir les fondamentaux » explique Denis Abraham.
En cours depuis plusieurs années, la baisse de consommation au profit d’une montée en gamme se propage dans tous les réseaux. « En hard-discount Lidl a été le premier à ne plus présenter ses vins en palettes, mais dans des caisses en bois. Aldi met depuis ses vins plus en avant, les éclairant des rayons s’inspirant de la grande distribution classique » rappelle Denis Abraham. Résultat de ces vases communicants, les grandes et moyennes surfaces copient désormais les cavistes (avec des espaces dédiés, des personnels formés, des soirées évènementielles…), tandis que ces derniers doivent se différencier en jouant la carte de l’approvisionnement exclusif auprès de petits domaines (se distinguant souvent par une viticulture alternative).


Leader, les discounters perdent cependant des parts de marché. En 2016, ils sont passés en dessous de la barre symbolique de la moitié des volumes (à 48 %, tandis que la grande distribution est à 29 % et les cavistes à 8 %). Non négligeable, le repli de la consommation en hard-discount pèse sur l’ensemble des achats allemands. Avec des chutes de la consommation allemande de 1,4 % en volume et de 1,6 % en valeur en 2016 par rapport à 2015, selon le dernier panel d’achat de GfK.
Cette tendance globale affecte également les vins français. En 2016, le vignoble hexagonal a expédié vers le marché allemand 2,3 millions d’hectolitres de vin pour un chiffre d’affaires de 728 millions euros, soit des baisses de 4 et 3 % en volumes. Si les vins tranquilles sont globalement à la peine (-5 et -6 %, pour 2 millions hl et 434 millions €), les vins effervescents sont en hausse (+1 et +3 %, à 218 000 hl et 250 millions €). « La consommation des vins mousseux est fréquente et très féminine, quand celle de bière est masculine » estime Denis Abraham. Ajoutant qu’« en alternative aux champagnes, les crémants sont devenus de belles valeurs sûres ». Si la tendance des effervescents est lourde sur le premier marché mondial de consommation de vins effervescents (avec les sekts allemands, les proseccos italiens, les cavas espagnols…), d’autres vins sont en vogue.
« L’Allemagne étant le premier marché européen des produits bio dans leur ensemble, on aurait pu croire que ce serait un eldorado pour les vins bio. Ce n’est pas si simple ! » lance Denis Abraham. Mais selon lui, la consommation de vin bio reste impulsive, et généralement sans lendemain. Témoigne de ce manque de fidélité l’absence de rayons spécialisés dans les grandes surfaces. Le label bio, « c’est un petit plus, sans plus ! » résume l’expert.
Tout le contraire de la biodynamie, qui fait une différence très recherchée sur les étiquettes. Notamment en restauration, avec une nouvelle génération de sommeliers très sensibilisés. Les vins vegans sont également à la mode. Comme les vins sans sulfites ajoutés et ceux à base de cépages résistants aux maladies cryptogamiques (ou vins « piwi »).
* : Réunissant 840 des 1 400 exposants français présents du 19 au 21 mars prochain à Düsseldorf.