Les producteurs d’effervescents à travers le monde – essentiellement européens – pourront porter un toast aux consommateurs en cette fin d’année. Malgré une conjoncture encore atone et de grandes incertitudes sur l’avenir, les vins effervescents continuent de monter en puissance. D’après les données que vient de publier l’IRI, les ventes de bulles ont généré un chiffre d’affaires de près de 4,6 milliards d’euros pendant les douze mois se terminant fin septembre. Les chiffres portent sur les sept pays étudiés par l’IRI – à savoir la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et les Pays-Bas – auxquels il convient d’ajouter 1,7 milliard d’euros enregistrés sur d’autres marchés.
Derrière ce bilan global positif se cachent, il est vrai, certaines disparités selon les types de produits et les marchés. Si le Champagne peine à atteindre ne serait-ce qu’une stabilité en volume, avec des ventes en légère baisse de 0,3 % sur les sept pays étudiés, le Prosecco quant à lui affiche des taux de croissance à lui faire pâlir d’envie. Sur douze mois, les ventes de l’effervescent italien atteignent 789 millions d’euros, soit une hausse de 24 %, pour un volume de 77 millions de litres. On est loin du chiffre d’affaires enregistré par le champagne, certes, avec 1,4 milliard mais le rouleau compresseur italien ne montre aucun signe d’essoufflement, avec une hausse de 23 % de ses volumes à fin septembre. Le Prosecco continue ainsi d’être la boisson de choix des consommateurs, avec des volumes supérieurs de 25 % à ceux du Champagne sur les sept pays européens.
Le marché français moins porteur pour le Champagne
Autre paradoxe, la préférence nationale ne fonctionne pas toujours à plein régime dans les pays producteurs. Si le Champagne connaît quelques difficultés à aller de l’avant, c’est surtout parce que les Français ont diminué leurs achats en volume de 1,2 %. Il ne faut sans doute pas y voir une désaffection pour les bulles nationales mais plutôt un phénomène de saturation : la France achète déjà pour 921 millions d’euros de Champagne, soit environ 66 % des ventes totales de Champagne en Europe. A titre de comparaison, les ventes en volume en France sont 4,5 fois plus élevées qu’en Grande-Bretagne, pays pourtant particulièrement attaché aux bulles champenoises. Le Cava espagnol subit un phénomène semblable : les ventes sont en baisse dans son pays d’origine mais progressent bien ailleurs, notamment au Royaume-Uni et en France. Les efforts consentis par des géants comme Freixenet n’y sont pas étrangers. Malgré la régression sur son territoire national, la consommation de Cava reste deux cents fois plus élevée en Espagne que celle du Prosecco. Cela, alors que ce dernier y coûte seulement un quart du prix que doivent débourser les Britanniques. Rappelons que les droits d’accise sur une bouteille d’effervescent vendue au Royaume-Uni sont prohibitifs, s’élevant à 2,67 £ (soit environ 3,2 euros).
Néanmoins, le poids fiscal n’entame en rien l’engouement que les Britanniques affichent depuis quelques années pour les effervescents, notamment les « English sparkling wines » et le Prosecco. Selon l’IRI, le marché britannique assure les trois-quarts des ventes européennes de Prosecco en valeur, soit désormais 600 millions d’euros suite à un bond en avant de 25 % en volume et en valeur sur douze mois. Par ailleurs, les données semblent indiquer que le succès des bulles italiennes n’est pas tributaire du positionnement du Champagne : en effet, le prix de ce dernier a régressé de 7 % depuis le référendum de juin dernier, sans que cela n’ait encouragé les consommateurs à délaisser le Prosecco.
C’est la catégorie toute entière qui profite outre-Manche : d’après la Wine & Spirit Association, les ventes d’effervescents, toutes catégories et tous circuits confondus, devraient dépasser la barre des 2 milliards £ d’ici la fin de cette année. Jusqu’au mois de novembre, 152 millions de bouteilles d’effervescents ont été vendues, à comparer aux 132 millions commercialisées pendant la même période en 2015. Le chiffre d’affaires a déjà dépassé 1,9 milliard £ et il reste à comptabiliser les ventes d’une partie du mois de novembre et de tout le mois de décembre. « Il n’y aucune indication que la bulle va éclater. Les consommateurs britanniques restent toujours aussi attachés aux fines bulles », a affirmé le directeur de la WSTA, Miles Beale. Les producteurs anglais entendent bien surfer sur cette vague, même si leurs bulles ne représentent que 1% des ventes d’effervescents à l’heure actuelle. Selon la WSTA, la production devrait doubler pour atteindre 10 millions de bouteilles par an d’ici 2020 ; d’ici 2022, six domaines comptent élaborer plus d’un million de bouteilles chaque année.
Le Cava opère un retour en grâce
« C’est officiel, selon nos chiffres nous sommes tous en train de trop faire la fête ! », a ironisé Tim Eales, directeur d’études stratégiques chez IRI. « Alors que le Champagne semble accuser un ralentissement significatif de sa croissance à travers une grande partie de l’Europe, tout en progressant ailleurs dans le monde, le Prosecco poursuit sans relâche son développement sur la quasi-totalité des marchés, exception faite des Pays-Bas. Même le Cava, qui semblait être tombé en disgrâce à cause de la montée en puissance du Prosecco, a enregistré cette année des progressions en volume et en valeur dans la plupart des pays ». Comme l’aurait dit JFK, la marée montante soulève tous les bateaux. Tous les vins étrangers ne méritent pas d’être critiqués, à commencer par le Prosecco. Et celui-ci d’apporter la preuve, s’il le fallait, que lorsqu’on démystifie la consommation de vin, les résultats sont plus que probants…