e trouvant au bien-nommé lieu-dit de la passe forestière de la vigne américaine, au Sud de l’île d’Oléron, les vestiges de la pépinière de Saint-Trojan font rimer trouvaille ampélographique avec trésor archéologique. « C’est une relique du patrimoine viticole français. Aujourd’hui, on ne connaît plus une pépinière mise en place à l’époque du phylloxéra. C’est la première fois, et surement la seule, que je verrai ça en Europe » confie, non sans une certaine émotion, Thierry Lacombe (INRA de Montpellier), lors de la dixième journée technique du Conservatoire du Vignoble Charentais (ce 7 décembre à l’institut de Richemont).
S’étendant sur deux hectares, ces vestiges insulaires étaient à l’abandon, grignotés par la forêt avoisinante*. Mais ils n’étaient pas oubliés pour autant. « Cette pépinière était mentionnée dans certains écrits, elle aurait été implantée entre 1877 et 1884 pour fournir en matériel végétal américain le vignoble après la crise phylloxérique » rapporte Sébastien Julliard (Conservatoire du Vignoble Charentais). Ayant organisé en septembre dernier une expédition de prospection et de cartographie, les ampélographes n’ont pas réussi à retrouver la logique d’implantation de la pépinière originelle. Les plants revenant à un état d’ensauvagement, rappelant que la vigne est une liane, capable de disséminer et coloniser son environnement par bouturage et marcottage.
Au final, les ampélographes ont mis à jour une impressionnante diversité au sein de cette forêt de dunes. Avec l’appui de marqueurs génétiques, ils ont reconnu six hybrides (1615 Couderc, Herbemont, Jacquez, Riparia Gloire de Montpellier, Taylor et Vialla) et découvert 29 accessions inconnues. Il s’agit majoritairement de semis de Vitis riparia, issus de reproduction sexuée au sein de la parcelle (sauf pour un géniteur extérieur, la folle blanche).


Au-delà de l’intérêt historique, cette parcelle pourrait devenir un réservoir de diversité génétique pour la création de nouveaux porte-greffes. Les modalités de quarantaine sanitaire sur les végétaux venant des Etats-Unis rendant l’importation de matériels de base quasiment inenvisageable, ces découvertes ouvrent en effet de nouvelles possibilités.
Reste à mieux connaître ces variétés pour les mobiliser dans des programmes d’obtention explique Nathalie Ollat (INRA de Bordeaux). « Il faut reprendre la caractérisation de ces variétés, pour la résistance au phylloxéra, le bon enracinement, la capacité de greffage, les résistances à la chlorose et à la sécheresse… » liste la chercheuse. Qui prend l’exemple d’un représentant découvert de Vitis solonis, vigne peu connue en Europe (mais prometteuse aux Etats-Unis).
Les variétés découvertes à Saint-Trojan vont désormais être introduites dans les conservatoires de Richemont (Charente) et de Vassal (Hérault). Et cerise sur le gâteau, les tests virologiques négatifs, parcelle restée indemne de court-noué et de l’enroulement.
* : Le domaine appartient à l’Organisme National des Forêts (ONF).