Porteur, il l’est déjà. Positionné au 6ème rang du classement des principaux importateurs mondiaux en volume et 5ème en valeur, le Canada a vu ses importations passer la barre des 4 millions d’hectolitres en 2015 pour une valeur de 1,6 milliard d’euros, en hausse de 10,4 %. Et ces avancées ne seraient pas près de s’arrêter, si l’on en croit les prévisions d’une étude The IWSR pour Vinexpo : à l’horizon 2018, la consommation devrait augmenter de 7,8 % pour atteindre 49,93 millions de caisses de 9 litres pour une consommation par habitant de 16,4 litres, en progression de 4,1 %.
L’accord signé fin juillet par les premiers ministres de l’Ontario, du Québec et de la Colombie britannique devrait favoriser cette tendance haussière, en autorisant les achats de vins sur internet entre les trois provinces. Inscrite dans le cadre d’un accord plus général visant à encourager les échanges interprovinciaux, l’autorisation concerne dans un premier temps les filières viticoles locales. Mais l’accord prévoit aussi la création d’un groupe de travail qui sera chargé d’étudier des moyens de faciliter le commerce des vins, bières et spiritueux à travers le pays. Tout en reconnaissant que ces mesures ne représentent pour l’heure qu’un petit pas vers la libéralisation du marché, le Premier Ministre du Québec, Philippe Couillard, a annoncé qu’il s’agit du début du processus et que d’autres changements suivraient dans les deux ou trois ans.
D’ores et déjà, d’autres provinces, comme celle de la Nouvelle-Ecosse, ont manifesté leur désir de signer cet accord. D’autres encore pourraient suivre étant donné le contexte politique actuel de l’autre côté de la frontière, notamment les critiques formulées par Donald Trump à l’encontre de l’Accord de libre-échange nord-américain.
La libéralisation profite à tousEn signant l’accord sur le commerce électronique des vins, les gouvernements ontarien, québécois et britanno-colombien se sont engagés à travailler ensemble pour que les consommateurs puissent accéder à un plus grand éventail de produits, disposer d’une meilleure commodité au niveau des achats et d’un accès plus large aux vins élaborés dans les trois provinces. La Colombie-Britannique compte plus de 320 caves productrices, l’Ontario plus de 240 et le Québec une soixantaine. Si la filière locale, porte-étendard du savoir-faire canadien, représente une concurrence pour les vins étrangers, elle joue néanmoins un rôle clé dans la libéralisation du marché, qui profite à tous.
Selon le cabinet britannique Wine Intelligence, les bières artisanales ont aussi manifesté leur mécontentement vis-à-vis des taxes prohibitives et des restrictions particulièrement contraignantes imposées aux échanges avec d’autres provinces. Leurs efforts commencent à porter leurs fruits et bénéficieront à l’ensemble des boissons alcooliques sur un marché « parmi les plus réglementés au monde ». C’est en tout cas l’avis de Richard Halstead, directeur de Wine Intelligence : « Les producteurs canadiens, qui profitent de la suppression de certaines barrières aux ventes directes et de la libéralisation des ventes au caveau, seront probablement les principaux bénéficiaires à court terme. Nous pensons, cependant, qu’à plus long terme, l’offre globale s’étendra, apportant des perspectives de croissance à l’ensemble des producteurs qui commercialisent du vin au Canada ».
D’ores et déjà, la LCBO en Ontario annonce le lancement d’un nouveau site de vente de vin en ligne qui proposera dans un premier temps près de 5 000 vins, bières, cidres et spiritueux canadiens et internationaux pour atteindre une offre de 16 000 produits d’ici 2017. Le nouveau site permettra, entre autres, aux consommateurs d’accéder à des produits disponibles jusqu’alors uniquement en commande privée et par le programme de consignation du monopole. Les produits commandés peuvent être retirés gratuitement en magasin ou livrés directement à domicile dans toute la province, moyennant un coût forfaitaire de 12 CAD par commande, soit environ 8 euros. Le nouveau site, lancé fin juillet dans le sillage de la signature de l’accord sur le commerce électronique avec le Québec et la Colombie Britannique, ouvre, lui aussi, de nouvelles perspectives de développement pour les fournisseurs étrangers.
En effet, il offre la possibilité d’accéder à la clientèle de la LCBO aux fournisseurs qui ne sont pas en mesure d’approvisionner les 654 magasins du monopole. Enfin, l’évolution de la réglementation, toujours en Ontario, ouvre également la voie à la libéralisation des ventes de vins en grandes surfaces. Les quelque 300 magasins de la principale enseigne de la province, Loblaws, devraient bientôt pouvoir proposer un rayon vins, faisant suite à celui des bières et des cidres. « Les responsables du secteur estiment que cette ouverture aura un impact considérable sur le comportement des consommateurs », conclut Richard Halstead.
Libéralisation en vue aux Etats-Unis ?Plus au sud, en Pennsylvanie, état où les ventes d’alcool sont également régies par un monopole, une mutation est aussi en train de s’opérer. Désormais, les consommateurs ont la possibilité d’acheter du vin à emporter au restaurant, de consommer des boissons alcooliques dans des casinos 7 jours sur 7 et 24 h/24h et de se faire expédier du vin directement depuis les propriétés viticoles. Il s’agit de la réforme la plus importante du monopole depuis 80 ans et, selon certains observateurs, du début de la fin des magasins étatiques. Dans le premier pays consommateur au monde, la nouvelle pourrait très bien signaler une mutation profonde du marché des vins.