Le consommateur est une boîte noire, dont l’objectivité est perturbée par des perceptions irrationnelles » pose Gordy Pleyers, professeur à temps partiel de l’Université de Louvain (Belgique) et directeur de l’entreprise privée Mind Insights (agence de conseil en marketing). Praticien des neurosciences cognitives, il déboulonne nombre d’idées préconçues à l’occasion de la matinée des oenologues de Bordeaux, ce 18 mars. Il estime ainsi que « les experts ne sont pas représentatifs du public cible, car ils sont justement trop experts ».
Il en veut pour preuve une expérience de préférence sur la couleur de fond d’un site internet. Plusieurs variations ont été proposées à un échantillon de consommateurs néophytes et de designers chevronnés. Les jugements des uns et des autres se sont révélés nettement différents, les premiers se fiant simplement à leurs goûts et les seconds analysant au vu de leur expertise. Ce qui confirme pour Gordy Pleyers qu’il faut remettre en cause les paradigmes du marketing : « il faut d’abord cibler son consommateur, puis définir un échantillon représentatif pour vraiment analyser l’activité dans leur boîte noire ».


Et justement, son entreprise propose justement de réaliser de telles études (à partir de 4 à 5 000 euros). Si elles sont techniquement bluffantes (voir ci-dessous), ces méthodes ne permettent cependant pas de trouver la solution idéale, créant le packaging parfait se vendant tout seul. Mais elles permettent de disséquer les effets de chaque paramètre, pour mieux optimiser l’ensemble.
Dans le cas d’une étiquette de vins, tous les éléments de son aspect (de sa forme à la typographie) ont un impact sur la perception attendue du produit (du goût à sa valeur). Mais si le changement de saturation dans la couleur d’une étiquette peut lui donner une perception plus luxueuse, cela peut également lui faire perdre en attractivité en linéaires, par rapport à la concurrence. « On ne peut jamais être au top sur tous les critères. Il faut donner une priorité aux paramètres, selon sa stratégie et sa concurrence » conclut Gordy Pleyers.
Jugeant les méthodes conventionnelles (étude web, eye-tracking, focus group, interviews…) trop biaisées et limitées, Gordy Pleyers mise sur des techniques permettant un contrôle très fin, pour ne pas dire maniaque, des réactions des consommateurs. Il prône plutôt le recours à de discrets capteurs physiologiques (activité électrodermale, activité électromyographique faciale, dilatation pupillaire, rythme cardiaque…) ou des méthodes comportementales (observation des réactions en points de vente, réels ou reconstitués, notamment avec un scanner émotionnel, modélisant 7 émotions en temps réel à partir d’un visage filmé). La technophilie assumée de Gordy Pleyers ne l’empêche pas de critiquer certaines technologies, bluffantes en apparence, mais trop biaisées en pratique. Si l’utilisation d’IRM donne les aires cérébrales stimulées, elle implique un cadre médical trop lourd pour ne pas influencer la mesure.