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Plus de paysans, moins de pesticides », « Halte à l’omerta », « Protégeons nos enfants »… Tels étaient les slogans qui résonnaient lors de la marche blanche du 14 février, reliant la place Pey-Berland à la préfecture de Gironde. Organisée par l’ONG Générations futures et le syndicat Confédération paysanne, cette manifestation réagit directement à l’émission Cash Investigation « Produits chimiques, nos enfants en danger », demandant une prise de conscience des dangers liés à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Lancé cinq jours auparavant, l’appel à manifester aurait été entendu par 1 500 personnes, selon le décompte des organisateurs.
Se disant encore étonnée par l’ampleur de cette mobilisation, l’activiste Valérie Murat y voit les prémices d’une mobilisation collective dans ses combats personnels*. Soulignant la présence de vignerons aux côtés de parents d’élèves, elle souligne que la mobilisation ne se fait « pas contre la viticulture. Au contraire : que fera-t-on une fois que l’on aura tué les sols et les paysans ? On veut que la Gironde reste une terre viticole, mais dans le respect de l’environnement, des professionnels, des riverains et de leurs enfants », résume-t-elle. Autre figure des militants antiphytos en Gironde, l’ouvrière viticole Marie-Lys Bibeyran** ajoute que cette marche blanche « est de bon augure, cela veut dire que les professionnels ne peuvent plus se cacher derrière leurs arguments sur l’homologation, les précautions d’usage ou les haies protégeant les écoles. La société civile demande autre chose. »
Après cette marche blanche, Valérie Murat espère désormais être reçue par la préfecture afin de porter ses propositions. Elle préconise notamment la création d’un comité de vigilance sur les pesticides, réunissant riverains, toxicologues, pouvoirs publics… In fine, son objectif est le financement par le département d’études toxicologiques afin de caractériser l’exposition des enfants aux pesticides (par des analyses de cheveux). Avant le lancement d’une telle plate-forme, des initiatives essaiment, comme celle de Marie-Lys Bibeyran, qui vient de créer un collectif « Information Médoc Pesticides ». Elle explique qu’il s’agit d’« un comité d’information, de dénonciation et d’interpellation des instances professionnelles ».
Des positions qui, vues du vignoble, tiennent cependant plus de l’offensive accusatrice que de l’initiative (ré) conciliatrice. Et qui risquent bien de figer les deux parties dans la posture de chiens de faïence : se livrant à distance un duel de regards sans merci. Pourtant, le vignoble et ces militants semblent aspirer à la même révolution viticole : la réduction drastique des intrants. Si l’aspiration concorde, les partitions actuellement jouées restent dissonantes. Les efforts du vignoble ne sont pas réellement perçus (et encore moins appréciés), tandis que les lanceurs d’alerte inquiètent (et crispent plus qu’autre chose). Dommage que les cépages résistants aux maladies cryptogamiques ne puissent faire office de deus ex machina.
*Depuis l’an dernier, elle porte la première plainte au pénal pour l’exposition à l’arsénite de sodium de son père, James Murat, vigneron décédé d’un cancer.
**S’opposant à la MSA, elle attend pour mars prochain le rendu d’expertise sur le lien entre le cancer mortel de son frère, Denis Bibeyran, à son activité d’ouvrier viticole.
[Photos gracieusement mises à disposition par l’artiste Kamigraphie, tous droits réservés]
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