iffusé le 2 février sur France 2, Cash Investigation a mené l’enquête sur les effets des produits phytosanitaires sur la santé, avec l’angle classique d’un média grand public (la dangerosité des produits et leurs effets sur la santé) et une thèse glaçante (la science prouve le danger mais des forces économiques font tout pour occulter l’empoisonnement massif des populations). A grand renfort de chiffres (130 polluants dans l’air, 65 000 T de pesticides utilisés chaque année en France) et de pathologies à faire frémir n’importe qui (cancers, anomalies de naissance, retards moteurs et neurologiques, autismes…), le magazine dresse un portrait alarmant de l’usage des firmes phytosanitaires et montre une carte suggérant que la Gironde est un des endroits les plus dangereux de France, où l’utilisation de produits phytosanitaires est l’une des plus importantes. C’est là aussi, où l’on voit d’innocents enfants jouer dans des cours d’écoles qui jouxtent des vignes qui, explique le reportage, les empoisonnent dans une omerta convenue entre les politiques et les viticulteurs. « Les maires sont derrière les viticulteurs » lâche un père de famille qui vient de découvrir le nombre de molécules actives contenues dans les cheveux de son enfant.
Omerta, un mot qui fait écho, aux propos de Bernard Farges, président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux, tenus il y a une semaine lors du forum environnement de Bordeaux. Selon lui, l’omerta : c’est sur les efforts menés par les viticulteurs pour tenir compte de l’environnement. Elise Lucet, en effet, ne donne pas la parole aux viticulteurs pour qu’ils puissent faire la démonstration des modifications de pratiques en cours. Elle préfère tendre le micro vers les firmes phytosanitaires qui apparaissent, pour la plupart, mutiques. Seul Jean-Charles Bocquet, directeur de l’European Crop Protection, accepte d’aller au charbon. La besogne n’est pas simple : les études s’empilent devant lui qui aurait pu également montrer ce que représente en terme de papier une autorisation de mise sur le marché. Tas de papier contre tas de papier, la bataille eut été visuelle… Bref, Jean-Charles Bocquet, lui aussi, essaie de démonter la thèse du silence coupable. « Les phytosanitaires ne sont pas un sujet tabou. Nous sommes engagés dans des démarches de progrès » tente celui qui, glisse également, que la problématique soulevée par le reportage ne « laisse pas indifférent » les firmes phytosanitaires. Et d’essayer d’expliquer que le secteur se lance dans le développement des produits de bio-contrôles pour réduire l’usage des produits classiques. Reste que son message a du mal à passer après que la caméra ait tant insisté sur l’idée d’un silence calculé avec la complicité du pouvoir politique.
Changer l’idée d’omerta est sans doute le plus grand challenge de communication qu’aura à relever la Gironde mais aussi la viticulture et l'agriculture en général. Au lendemain de l’émission, alors qu’un communiqué de presse de l’UIPP tombait aux aurores pour rappeler notamment que l’étude HAS américaine sur 50 000 agriculteurs et celles AGRICAN sur 180 000 personnes confirmaient que les agriculteurs vivaient plus longtemps que la population générale, la filière viticole n’avait pas réagi. Et c’est ce silence qui entretient l’idée d’une omerta…