Je vais faire appel, pour prouver que je suis la victime de l’escroquerie et pas l’inverse » se défend d’emblée Loïc Pasquet, le fameux propriétaire du non-moins célèbre domaine bordelais Liber Pater (à Landiras, en Graves). Jugé par le Tribunal Correctionnel de Bordeaux, ce 14 janvier, il a été condamné à 230 000 euros de remboursement à FranceAgrimer, ainsi qu’à une amende de 30 000 € et 12 mois de prison avec sursis. Une peine qui se veut à la hauteur des fausses factures établies après sa demande de 592 000 € de subventions à la promotion de ses vins dans les pays tiers.
Demandée en 2010 à FranceAgriMer, cette enveloppe impliquait des dépenses de 1,6 million €, essentiellement sur les marchés asiatiques. « Mais, nous nous étions rendus compte que nous étions victimes d’une escroquerie en Chine, notre partenaire financier n’était pas fiable » explique Loïc Pasquet, « on a immédiatement remboursé les 300 000 € utilisés avec ce prestataire, mais FranceAgriMer considère qu’il faut également rendre 230 000 € reçus pour la promotion en Chine. Je le conteste et ferai appel. »
Plus légère en comparaison, la condamnation à une euro symbolique à l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) n’en est pas moins importante pour l’avenir de Liber Pater. L’INAO s’est en effet porté partie civile pour non-respect du cahier des charges en matière de densité de plantation, jugeant qu’une parcelle ne respecte pas la hauteur de 0,8 m sous le rang. « A la plantation, Qualibordeaux est venu en 2010 et a considéré la parcelle conforme. Comment ce rapport n’est-il plus vrai ? Jusque-là j’ai l’AOC, mais s’il le faut, je ferai du vin de table » tonne-t-il. Les 2,5 hectares de jeunes vignes en question représentent aujourd’hui la moitié de la surface de Liber Pater (également constitué de 2,5 ha en production, bio).


Baptisé d’après l’antique dieu de la vigne, Liber Pater se distingue parmi les vins Graves pour sa rareté, sa cherté et son succès fulgurant (installé en 2005, Loïc Pasquet a été élu « découverte de l’année 2011 » par la Revue des Vins de France). « En 2010, le prix de nos bouteilles est passé de pas grand chose à 2000 à 3 000 euros la bouteille. Le marché a fait le prix, en Europe, en Asie, en Russie… » explique-t-il, ayant conscience de l’envie qui entoure sa success-story.
Une tension concrétisée par une autre affaire en justice, la plainte posée en novembre 2015 pour 500 ceps fauchés. Si la filière soutenait alors unanimement un confrère, aujourd’hui, des vignerons bordelais demandent à l’envi si l’ensemble du concept Liber Pater n’est pas une création de l’esprit, trop belle pour avoir jamais été vraie. « Il est facile de critiquer, de médire, mais s’il est si facile de faire ce que je fais, pourquoi ne le font-ils pas ? Je n’ai aucun monopole » conclut-il.