Contrefaçon chinoise : en exclusivité, l'étude choc des Conseillers Vins au Commerce Extérieur

ur le marché chinois, « les volumes de vins français contrefaits sont très supérieurs à ceux non contrefaits » assène James de Roany, l'ancien président de la Commission Vins & Spiritueux des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (non reconduit en 2014*). Si cet ordre de grandeur va frapper les esprits, il va sans nul doute susciter le débat. Des échanges où le Rapport sur la contrefaçon des vins & spiritueux de la Commission Vins & Spiritueux a toute sa place (cliquer ici pour y accéder en intégralité). Après deux années passées aux oubliettes, cette étude vient d'être validée en juin dernier, avec la volonté affichée de relancer le combat contre la contre-façon en Chine. « Il y a besoin de prendre le sujet au sérieux afin d'avancer. Je regrette que le rapport ait été bloqué, on aurait fait moins d'erreurs... » commente James de Roany.

Faisant le point sur les moyens de lutte actuels, l'étude propose surtout la création d'un groupe travail réunissant acteurs de l'administration et de la filière. Mais sa proposition phare est la demande de pénalisation des distributeurs et importateurs chinois pour recel de produits contrefaits. Pour les rédacteurs (anonymes) de l'étude, retrouver la confiance des consommateurs est un levier incontournable pour relancer durablement la demande chinoise. Aujourd'hui, « le consommateur chinois voit parfois les vins français avec de l'inquiétude. Il existe une certaine défiance avec les risques de contrefaçon et un historique de prix de vente souvent exagérément élevés. Il est donc nécessaire de le rassurer en lui apportant la meilleure garantie possible. Ignorer ce problème serait gravement contre productif» rapporte James de Roany.

 

 

* : Selon des conseillers au commerce extérieur, sa non-reconduction serait due à l'estimation du taux de contrefaçons des vins français en Chine (cliquer ici pour en savoir plus). Dans son étude sur la contrefaçon en Chine, la Commission Vin & Spiritueux regrette dès l'introduction « que, sous l’impulsion d’une grande interprofession viticole et ensuite du Ministère de l’Agriculture, son président n’ait pu rester en place ».

La contrefaçon en Chine, un facteur de la réduction des exportations françaises

D'emblée, le rapport pose qu'« une proportion significative des bouteilles de vins marquées « France » sont des contrefaçons (dans l’entrée de gamme comme dans le haut de gamme – importation de vins en vrac d’Australie, Chili embouteillés sous étiquette française – vins en bouteille déshabillés et ré-habillés)… Le phénomène serait de l’ordre de 30% pour les spiritueux (très variable suivant les régions et la présence des marques). Les importateurs de vins voulant sécuriser leurs accords de distribution (ne pas faire d’efforts d’implantation pour une marque qu’ils ne maîtrisent pas et pour laquelle les volumes sont limités ne serait-ce que par la taille du vignoble d’origine). "Les distributeurs cherchant à diminuer leurs prix d’achat, augmenter la disponibilité des « marques » en volume et à éviter les droits de douanes (48% pour les vins en provenance de l'UE et 0% pour certains pays de la zone Pacifique incluant le Chili par exemple). »

Soulignant la « possibilité théorique de développer significativement les exportations s'il y avait éradication de la contrefaçon », le rapport détaille que « la situation des importations des vins & spiritueux français en Chine se dégrade de façon importante depuis 2014. Si les causes en sont diverses (droits de douanes élevés, prix parfois abusifs, découvertes d’autres origines…), l’une des principales est la défiance des consommateurs chinois envers des vins qui ont trop souvent la réputation d’être contrefaits. »

Des accusations à l'encontre de la distribution locale

« Il faut constater une « industrialisation » de la contrefaçon et noter que les premiers contrefacteurs sont les importateurs et distributeurs. Leurs contrefaçons sont en général de très haute qualité et il est très difficile alors de distinguer le vrai du faux à moins de mettre en place des moyens d’identification modernes et/ou des analyses chimiques et organoleptiques des bouteilles et de leur contenu. Notons également que la contrefaçon trouve donc essentiellement son origine en Asie. Les volumes de vins contrefaits au départ d’Europe sont faibles en volume, les Douanes, les organismes de répression des fraudes et les conséquences judiciaires étant globalement très efficaces. Les vins français sont loin d’être les seuls contrefaits. Les vins de toutes origines sont régulièrement contrefaits à l’instar de telle ou telle grande marques australiennes particulièrement touchées. »

Pour résoudre ces dérives, l'étude milite, « dans un premier temps, pour pénaliser l’importateur et le distributeur. Ces derniers étant les premiers contrefacteurs, leur pénalisation devrait contribuer à tarir efficacement la contrefaçon. La politique actuelle du gouvernement chinois de lutte contre la corruption devrait offrir un terrain favorable à cette mesure. »

Le panel des solutions à la contrefaçon chinoise

Si le rapport liste de manière exhaustive les moyens technologiques de lutte contre la contrefaçon (logiciels, hardware, marquage bouteille, marquage habillage, systèmes anti-re-remplissage...), il souligne « leur efficacité et limitée par plusieurs facteurs dont leur faible diffusion ». Au final, les rédateurs misent davantage sur la « création d’un groupe de travail placé sous la direction conjointe du Secrétariat d’Etat au Commerce Extérieur et du Ministère de l’Agriculture (Chef du bureau vin + Sous-direction des Affaires Internationales) ». Cette taskforce devrait « mettre en place un plan/parcours de formation commun à toutes les administrations françaises concernées et correspondant aux besoins recensés pour l’administration chinoise » et « travailler avec l’administration chinoise la possibilité de rendre les revendeurs responsables juridiques de la qualité et de l’origine des produits qu’ils mettent sur le marché. »

 

 

 

 

[Photo : « Romanee Conti 2006, Vin blanc sec, Mis en Montpellier par Coteaux du Languedoc (avec un logo copiant l'emblème des Domaines Baron de Rothschild-Lafite) »]