Millésime et Terroirs en Languedoc : l'année est belle

ontpellier a accueilli cette semaine 80 journalistes venus du monde entier à l'invitation de l'interprofession des vins du Languedoc (CIVL), pour déguster les vins des millésimes actuellement à la vente, mais aussi du millésime 2014, en bouteille ou encore en cours d'élevage selon les cuvées et les appellations. Constat unanime : le millésime a usé les nerfs des vignerons du début à la fin, mais le résultat est très qualitatif et devrait contribuer à maintenir une demande orientée à la hausse sur tous les circuits de distribution. L'équilibre de marché entre quantités disponibles et prix pratiqués pose aujourd'hui la question de replantations pour préparer l'avenir. Bilan qualitatif du millésime 2014 et point sur l'actualité de quelques appellations clés.

 

Crédit photo : Anne Serres

2014 : le millésime à l'envers

Un printemps chaud et sec, suivi d'un été humide et frais pour un millésime sauvé par l'été indien en septembre-octobre. Ce résumé climatique se vérifie partout en France en 2014. En Languedoc, le contraste entre ces saisons inhabituelles a donné naissance à un millésime inédit, parti sur un déficit hydrique dès le début de l'été (jusqu'à 60 % dans un certain nombre de régions comme Saint-Chinian), compensé par des précipitations régulières en juillet-août : « on a eu 100 mm de pluie en juillet, du jamais vu à Faugères », se souvient Nathalie Caumette, présidente du syndicat du cru. Mais dans le même temps, La Clape ou Pézénas n'ont pas reçu autant de précipitations.

Les températures fraîches ont entraîné une maturation lente des raisins et le millésime, parti pour être très précoce vue la chaleur du printemps, a pris son temps pendant les deux mois d'été... pour les zones épargnées par les épisodes de grêle, en particulier celui du 6 juillet en Minervois (qui a surtout touché les zones en IGP et moins les AOC Minervois et Minervois La Livinière) et dans les Corbières. Le retour du soleil fin août a permis d'atteindre de belles maturités, mais il a alors fallu affronter les pluies diluviennes issues des épisodes cévenols des 19-20 et 28-29 septembre. Les zones les plus tardives ont été touchées, douchée voire inondées les 19-20, même si, sur l'ensemble du vignoble, la vendange était majoritairement déjà rentrée (pour 60 à 85 % des volumes selon la précocité des zones ; les bancs et rosés n'ont pas été affectés, contrairement aux cépages rouges, en particulier les plus tardifs comme le Mourvèdre). Les zones les plus précoces, les zones d'appellation, en coteaux et/ou sur les sols les plus drainants ont tiré leur épingle du jeu (à Faugères et Saint-Chinian, le schiste a limité les dégâts).

A l'arrivée le millésime 2014 réussit l'alliance de la fraîcheur et de la maturité. Pas de dilution (ou au contraire de surextractions trop poussées sur des matières maigres) comme on a pu en trouver en 2011 et 2013, pour citer deux autres millésimes qui n'ont pas manqué d'eau.

 

 

En Minervois aussi on fête les 30 ans

Tout comme l'AOC Languedoc, l'AOC Minervois fête ses 30 ans. Le responsable de la Maison des Vins du Chai Port Minervois, Bertrand Cros-Mayrevieille, a présenté aux journalistes le programme des festivités « dont le but est de se recentrer sur l'humain, sur les richesses de notre territoire ». Au sein d'une offre touristique globale, le projet Destination Minervois, les trente ans de l'appellation sont l'occasion d'une refonte du site Internet www.leminervois.com, à partir duquel seront diffusées des vidéos, portraits et road movie pour mettre en avant les hommes et le patrimoine. « Nous voulons inviter les gens à venir à notre rencontre », rappelle Bertrand Cros-Mayrevieille, en toute simplicité et sur un mode ludique, avec un clin d'oeil au passé : le Minervois avait inventé Top Chef avant l'heure, avec la création, il y a trente ans, en même temps que celle de l'AOC Minervois, d'un concours destiné aux cuisiniers de moins de trente ans qui devait concocter un plat à partir d'un panier imposé de produits de la région et l'accorder avec un vin de l'appellation. Ce concours renaît pour les trente ans, et opposera des chefs, mais aussi tous les Internautes qui souhaiteront participer. Les recettes gagnantes seront préparées et servies avec les vins du Minervois lors des journées Tastes du Minervois, les 5 et 6 septembre prochains. 

Picpoul : la success story continue

La demande de Picpoul ne faiblit pas : sur le marché domestique comme sur les marchés d'export, ce vin frais, raisonnable en alcool, accessible à l'apéritif comme à table, est dans l'air du temps. D'une production confidentielle de 15 000 hl au début des années 90 à 70 000 hl en 2013 (dont 40 % partent à l'export) et une AOC bien à soi aujourd'hui, le chemin parcouru est remarquable. Pourvu que ça dure ! Les petits volumes de la vendange 2014 pourraient contrarier cette dynamique « On ajuste au mieux », explique Joël Julien directeur de la Cave des Costières de Pomerols, l'un des opérateurs majeurs de l'appellation avec la cave de l'Ormarine à Pinet et la Cave de Montagnac. La Cave de Beauvignac a traité cette année 100 000 hl contre 125 000 hl en 2013, dont plus d'un tiers de Picpoul. Il s'agit donc de demeurer sur ses marchés en 2015 pour mieux renouer avec la croissance des ventes avec une vendange 2015 plus généreuse, on l'espère.

La perte de disponibilités peut faire monter les prix, mais les marges de manœuvre consenties par le marché sont restreintes « avec le syndicat de l'appellation, nous avons déjà adopté la ligne : '+5 % /hl et par an pour le Picpoul en vrac'. C'est suffisant pour rester dans un prix de marché ». En tous cas, la cave croit en l'avenir : en témoigne son investissement d'un million d'euros dans sa chaîne d'embouteillage, pour passer de 3000 à 6000 bouteilles/heure. « Nous avons fait appel l'an dernier à un prestataire pour un million de bouteilles sur les 6,5 millions qui sont sortis de nos chais, cet investissement sera donc rapidement rentabilisé ! »

Corbières : vers une appellation Corbières-Villages

Née en même temps que les appellations Coteaux du Languedoc et Minervois, l'appellation Corbières fête ses 30 ans en passant la barre des 100 €/hl (nous avions eu l'occasion d'en parler, pour relire notre brève, cliquez ici).

Malgré la grêle (qui a davantage touché les zones d'IGP que les zones d'AOC), la production a progressé en 2014, passant à 403 000 hl alors qu'elle était plus proche de 390 000 hl en 2012 et 2013 (contre 438 000 hl avec l'exceptionnelle vendange 2011 ; l'appellation affiche une moyenne décennale autour de 420 000 hl, la vendange 2014 reste donc dans la partie basse de la fourchette mais avec un mieux).

Ces chiffres, sur une superficie de 15 000 ha font le l'AOC Corbières la première appellation du Languedoc-Roussillon. Les perspectives d'évolution des prix sont maintenus à la hausse a expliqué Jean-Pierre Thène, directeur du syndicat général de l'AOC Corbière : « GD, réseau traditionnel, export, nous progressons, en volume et en prix, sur tous nos circuits de distribution. Nous n'arrivons d'ailleurs plus à fournir nos marchés avec les volumes dont nous disposons après deux très petites vendanges. » D'où la demande en cours auprès de l'INAO pour structurer son offre autour d'un échelon supplémentaire dans sa hiérarchie qualitative autour d'une appellation Corbières-Villages qui concernerait 11 villages et 120-150 000 hl « de vins à forte identité, dont nos entreprises ont identifié le parcellaire ». Cette appellation Corbières-Villages serait notamment soumise à un rendement maximal de 45 hl/ha (contre 50 hl/ha en Corbières) et bénéficierait de souplesse sur la présence de Carignan à la vigne et dans les assemblages (jusqu'à 70 %), car ce cépage veut être la signature de l'appellation et est activement replanté en son sein.

Le dossier a été déposé à la commission régionale de l'INAO et areçu un avis favorable en décembre 2014 et le syndicat est en attente de le commission d'enquête pour la fin de l'année 2015.  

Saint-Chinian : l'oenotourisme en plein développement

« Nos vignerons mettent en place de nombreuses initiatives oenotouristiques mais l'offre n'est pas suffisamment fédérée » constate Gaylord Burguière, chargé de communication pour le syndicat Saint-Chinian. Produisant chaque année quelques 110 000 hl, Saint-Chinian est une petite appellation commercialisée pour 80% en bouteille et pour 27% en vente directe. L'oenotourisme est donc une clé évidente de développement pour cette AOP.

Sur son territoire, un projet majeur est d'ailleurs en train d'éclore. Il s'agit de la restauration du village d'Assignan par le Château Castignan. Une dizaine de maisons vont être transformées en gîte de luxe. Un restaurant 100% bio, un bar à vin et des boutiques compléteront l'offre d'hébergement. « Ce projet va nécessairement avoir des retombées pour toute l'appellation » se satisfait Gaylord Burguière. A côté de ce projet colossal, d'autres offres oenotouristiques sont accessibles sur le territoire de Saint-Chinian. Véronique Etienne, du Château Ladournie, accueille deux fois par semaine des touristes envoyés par Vinodaqui, qui propose aux croisiéristes du canal de midi de faire une escale dans les vignobles.

Et Gaylord Burguière d'indiquer : « Il y a bien d'autres activités en Saint-Chinian. Promenade avec des Anes, canoe, trottinette... C'est incroyable l'offre qu'il y a. Reste à la fédérer ! »