u feu les papiers de l’enquête anti-dumping demandés par la Chine aux producteurs européens. A Beaune aussi le premier vigneron était romain. A Bordeaux Jacques Dupont et Olivier Bompas tiennent un savoureux « journal des primeurs ».
Catherine Bernard
La nouvelle est opportunément tombée quelques jours avant la visite officielle en France du président chinois xi-jinping, relayée par La Tribune : après six mois d’embrouille, « la Chine et l’Union européenne sont parvenus à un accord à l’amiable sur le vin ». Ainsi se résout le contentieux qui avait déclenché l’été dernier « une enquête anti-dumping ». « Prévue pour durer un an, l'enquête prévoyait de se pencher sur les subventions au secteur viticole dans l'UE et leur impact sur la production de vin en Chine ». On peut jeter au feu les formulaires déjà édités. Les Echos rentrent dans les coulisses de cet accord : « Depuis plusieurs mois, les entreprises européennes, conseillées notamment par le cabinet Gide, avaient renoué le dialogue avec leurs homologues chinois pour proposer une sorte de collaboration (…) Les producteurs européens se sont donc engagés pour les deux années à venir à fournir une assistance technique (techniques de viticulture, contrôle de la qualité de vinification) aux producteurs de vin chinois. En échange, ces derniers sont censés aider à promouvoir davantage la culture du vin sur le marché chinois en pleine expansion ». La Vigne salue le soulagement des producteurs français : « « L’annonce des autorités chinoises est un immense soulagement. Cela fait près d’un an que nous sommes entièrement mobilisés, en lien avec les pouvoirs publics, pour aboutir à ce résultat », a déclaré Louis Fabrice Latour, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) ». Et Vitisphere conclut : « Les frictions commerciales désormais apaisées, les échanges entre les deux filières devraient en effet se développer à l'avenir ». « Cette décision était attendue, comme un signe d'apaisement, à la veille de la tournée du président chinois Xi Jinping en Europe », souligne diplomatiquement Le Monde. Les conséquences de ce contentieux qui finit bien ne sont pas néanmoins pas négligeables : « Tous les exportateurs européens de vin vers la Chine ont dû remplir des formulaires – soit 5 000 dont 3 500 pour le seul Bordelais. Puis six sociétés, dont quatre en France, ont fait l'objet d'une enquête approfondie, ouvrant plus avant leur livre de comptes. Cette enquête a suscité l'attentisme des clients chinois, désireux de connaître l'issue de la procédure. Ils s'interrogeaient sur les risques d'une hausse des taxes. Elle a donc contribué au coup d'arrêt de la croissance des exportations de vins et spiritueux français, dont le montant a atteint, en 2013, 11,2 milliards d'euros. Surtout, les vins de Bordeaux ont vu leurs ventes baisser en Chine de 16 % en volume et de 18 % en valeur en 2013, selon le Conseil interprofessionnel du vignoble (CIVB). Résultat, les exportations depuis ce terroir ont fléchi de 6 % en valeur sur l'année, à 2,14 milliards d'euros ».
Les Romains étaient aussi à BeauneA la lecture des titres de la presse, on entend presque sonner les trompettes. A Beaune, « le premier vigneron était romain ! », s’exclame Bourgogne Aujourd’hui. « La voix enthousiaste qui résonne à l'autre bout du fil nous est bien connue, écrit Christophe Tupinier. C'est celle de Jean-Pierre Garcia, enseignant-chercheur à l'Université de Bourgogne et archéologue. "Christophe, vous êtes à votre bureau ? Nous venons de trouver les traces d'une vigne romaine près de Beaune !" Cinq minutes plus tard nous voila sur les lieux, au bord de la zone de recherche où une dizaine d'étudiants en Master 1 AGES (Archéologie-Géologie-Sciences) grattent le sol au milieu de fosses allongées, d'un mètre à 1,50 mètre, ayant contenu 2 à 3 pieds de vigne. "Il va quand même falloir dater tout cela de façon très précise, mais la plantation est typique de ce que l'on trouve dans l'empire romain entre le 1er et le IVème siècle après JC", explique Jean-Pierre Garcia ». Ainsi donc, les Romains n’ont pas seulement investi la Narbonaise. Christophe Tupinier précise : « On sait en effet que si les Gaulois buvaient du vin et si la vigne était probablement présente à l'état sauvage avant l'arrivée des Légions de César au nord de la Gaule, il a fallu attendre la conquête romaine pour que la production de vin se structure et se développe en Bourgogne ». France 3 précise : « Cette opération est l’aboutissement d’une enquête menée à partir de deux photos prises en 1962 par Lucien Perriaux, naturaliste bourguignon et futur maire de Beaune (1965-1968). Les traces qui figurent sur les clichés étaient difficilement interprétables à l’époque. Mais, aujourd’hui, on estime qu’il pourrait s’agir de fosses de plantations de vignobles anciens (romains ou médiévaux) ». Concordance des temps symboliques, Florence Trainar raconte dans un blog hébergé par Le Monde une histoire œcuménique et universelle : « Niché sur une colline rocailleuse de la campagne de Ramallah, à 30 kilomètres au nord de Jérusalem, Taybeh compte 2 000 habitants. De ses toits couleur sable s’élève non point le chant du muezzin mais le son des carillons de trois églises – grecque orthodoxe, catholique romaine et melkite. Les rues sont souvent vides. Les habitants se consacrent à la culture de l’olive, de l’amande, des figues ou de la vigne ; ils tiennent des petits commerces ou travaillent comme employés à Ramallah ». Sur cette terre disputée, « une famille chrétienne, les Khoury, y brasse depuis près de vingt ans la seule et unique bière palestinienne. En 2014, ils lancent leur première production vinicole, et espèrent communiquer leur passion dans un territoire à large majorité musulmane ». La vigne et le vin réconcilieront-ils comme dans les textes les deux cultures ?
Journal des primeursDepuis une semaine déjà, Jacques Dupont et Olivier Bompas, chroniqueurs du vin dans Le Point, tiennent un « journal des primeurs » à Bordeaux. Au premier jour, le 17 mars, le tandem explique son entreprise : « Sans se limiter aux seuls Grands Crus, nos dégustations commencent bien avant la fameuse "semaine des primeurs" qui a lieu début avril ». On leur saura gré de cet exercice qui au regard du traitement habituellement réservé à cette semaine fait figure de promenade de santé. « Nous avons commencé nos dégustations ce matin par les côtes-de-bordeaux. Une façon simple d'avoir un aperçu du millésime sur différents terroirs. Une mise en bouche aussi, si l'on peut dire, avant d'attaquer la "face nord", les saint-émilion et pomerols qui risquent d'être plus nombreux et peut-être plus concentrés », attaquent les deux compères. Le ton est donné. L’article est illustré par les propriétaires du château de Lestiac qui ont pour une fois à Bordeaux le teint halé, la pommette rouge, et le cheveu décoiffé par le vent. Au troisième jour, JD et OB racontent « une belle rencontre avec le jeune Nicolas Prince », 28 ans, et se mettent dans la peau des vignerons au jour de vinifier ce millésime 2013 : « On imagine en dégustant ces vins quelle fut l'angoisse des vignerons. Attendre pour récolter mûr, et prendre le risque de tout perdre avec une pourriture galopante, vendanger trop tôt des raisins sains, mais manquant de maturité, et se retrouver avec des tanins agressifs. Quel choix également dans le chai ? Quand écouler ? Trop tôt, et les vins semblent maigres. Trop tard, et les finales sèches et rugueuses rappellent les prunelles que, enfant, on goûtait dans les haies... Il est difficile pour nous aussi de porter des jugements à l'emporte-pièce face à un millésime que la nature n'a pas gâté... ». Arrivés au huitième jour et « dans la salle de dégustation de Larrivet-Haut-Brion qui domine le parc et le petit étang où quelques canards profitent du retour du soleil pour se raconter des histoires d'oies », le tandem philosophe sur les absents notoires de la dégustation des Pessac Léognan: « C'en est même amusant de constater combien tous ces gens qui s'affichent comme des grands libéraux, citent Sénèque ou Tocqueville, ne supportent pas les contraintes, dénonceraient le totalitarisme pour peu qu'une réglementation les dévierait de leur chemin sacré d'entrepreneur et se montrent intolérants dès qu'on se livre à la critique. Ce sont de farouches partisans de la liberté, y compris celle de la presse qui trace la frontière entre la démocratie et les régimes autoritaires, mais pas dans leur jardin ». Le vin français retrouve peut-être la langue qu’il avait perdue.