Les vins australiens se réinventent pour continuer à séduire le marché anglais

e Royaume-Uni est la première destination des exportations de vin de l'Australie et représente un peu plus du tiers des volumes expédiés à l'étranger par l'île-continent entre avril 2012 et avril 2013.

Sur le marché off-trade l'Australie est le numéro un et occupe la troisième position sur le réseau tradionnel. Particulièrement actif sur le marché britannique, l'organisme Wine Australia se donne les moyens de faire progresser la cote d'amour des vins australiens sur le secteur on-trade.

A l'appui de ces efforts commerciaux et marketing, une révolution technique au vignoble et en cave : en quelques années, les vins australiens ont réalisé une révolution de style pour s'adapter à la demande de leurs consommateurs, malgré l'évolution tendancielle de leurs contraintes climatiques.

Le marché britannique reste difficile

Wine of Australia a annoncé l'an dernier faire appel à Wilson Drinks Reports (WDR) pour fournir des rapports trimestriels sur l'état du marché britannique. Les marges de progression (et la valeur ajoutée) se trouvent sur le marché on-trade et non dans la grande distribution, marché particulièrement difficile au Royaume-Uni, inscrit dans une logique de prix rendue encore plus dure au détriment de la production avec le dispositif d' « escalateur » fiscal qui touche les boissons alcoolisées depuis 2008, pour en savoir plus, cliquez ici.

Moins obsédé par le prix, le marché traditionnel souffre également de l'escalateur fiscal. Dans la dernière édition du rapport de WDR, on découvre un marché on-trade morose, en léger recul en volume (-1 % sur l'année) et en légère hausse en valeur (+ 2 %). Loin d'indiquer une meilleure valorisation des vins, la hausse en valeur contradictoire avec la baisse ou la moindre progression en volume indique une augmentation du prix moyen du fait de la hausse des taxes Dans le même temps, la bière affichait un bilan moins positif (-4,5 % en volume et + 0,5 % en valeur), contrairement aux spiritueux (+ 0,2 % en volume et + 9,3% en valeur). Les tendances du marché anglais du vin sont plutôt favorables aux vins australiens, majoritairement producteurs de vin rouge (or les ventes de vin rouge sur le marché britannique progressent de 1,4 % en volume et de 3 % en valeur). Même si le marché du vin rouge apparaît comme plus dynamique, la consommation en restauration reste très tournée vers les vins blancs, mais sur ce marché les volumes des ventes ont diminué de 1,2% et la valeur a progressé de 1,9% .

 La France confirme sa première place en restauration et progresse en volume comme en valeur, indique le rapport, alors que l'Italie se maintient et que les ventes australiennes diminuent de 3 % en volume et de 2% en valeur. Dans sa veille concurrentielle, Wine Australia note la forte hausse des vins argentins, en progression de 10% en volume et 15 % en valeur, portés par la reconnaissance du Malbec.

En valeur, l'Espagne tien le haut du pavé avec un prix moyen à la bouteille de 23 £ (sur des volumes qui représentent à peine le tiers de ceux de l'Australie) suivie par la France à 20 £, l'Italie est à 18 £ et l'Australie à 13 £, à égalité avec l'Argentine et devant l'Allemagne et les États-Unis , mais derrière d'autres fournisseurs tels que l'Espagne , l'Afrique du Sud , le Chili et la Nouvelle-Zélande.

Les rendez-vous des vins australiens avec les professionnels on-trade et presse

Wine Australia a clairement mis la progression de cette valeur moyenne de la bouteille dans le secteur on-trade en tête de ses objectifs stratégiques. L'organisation multiplie les occasions de rencontre entre les agents de ses producteurs et les grossistes et distributeurs du secteur.

Une fois par mois, avec une coupure estivale qui ramène le nombre annuel de ces rendez-vous à une dizaine, ils sont reçus dans le superbe cadre de l'ambassade d'Australie pour une dégustation à l'aveugle en plusieurs catégories, assortie d'un questionnaire sur les vins dégustés : lesquels sont constitués de shiraz, lesquels de chardonnay, lequel de ces effervescents vient de Tasmanie ?... A l'issue du questionnaire un classement des répondants est publié. Les grossistes, distributeurs et journalistes se prennent au jeu et se donnent rendez-vous pour concourir. La formule connaît un succès croissant et le Tasting Blind Club ne désemplit pas.

Une fois par an, c'est le Australia Day Tasting, à Lindley Hall. Il s'est tenu cette année le 30 janvier et a rassemblé l'ensemble des agents et importateurs britanniques de tous les domaines et marques disponibles sur le marché britannique, de Hardy's à Penfold's. La manifestation a attiré un peu plus de 700 visiteurs : professionnels de la distribution et de la presse.

Elevages réducteurs et cépages italiens : des changements radicaux de style

Les cépages emblématiques d'Australie ont complètement changé de visage en quelques années. Exit les shiraz aux arômes recuits et les chardonnay bouton d'or surboisés. C'était il y a quinze ans. Aujourd'hui, on ne pousse plus les maturités à la vendange et on vinifie en milieu réducteur, les élevages sous bois sont raccourcis, sinon bannis, en particulier pour les chardonnay car la demande pour des chardonnay sans bois s'est faite pressante. L'enjeu est de ne pas tomber dans la réduction, justement, qui peut être particulièrement nuisible au potentiel aromatique des shiraz.

A l'arrivée, les vins ont gagné en fraîcheur aromatique et perdu quelques degrés. Tendance au top : puisque les effervescents progressent et que la shiraz doit se réinventer au plus frais, l'Australie sort des cuvées rouges effervescentes de shiraz qui n'ont rien de commun avec des Lambrusco si ce n'est l'esprit rouge effervescent.

Le climat frais et humide qui a marqué la vendange 2011 a permis de confirmer ces choix de style pour plus de fraîcheur. Sur la longue période cependant, le vignoble australien doit faire face au réchauffement climatique, à la raréfaction de sa ressource en eau et à la fréquence accrue de phénomènes naturels violents (incendies, crues...). LA région d'Australie qui a le vent en poupe est la Tasmanie, la plus au sud du continent, donc la plus fraîche. On y produit notamment quelques uns des effervescents les plus distingués du pays.

En dehors de ses cépages emblématiques, l'Australie s'intéresse au grenache, qui prospère dans ses zones de climat chaud. La demande de pinot noir et la fascination pour la Bourgogne a motivé des producteurs à investir dans ce cépage, avec des succès encore mitigés.

La tendance, en matière de plantation, est aux cépages italiens, autant pour leur succès sur les marchés internationaux que pour leur adaptation à la plupart des climats australiens. Le sangiovese arrive en tête du mouvement, talonné par les cépages du Piémont (en particulier le nebbiolo et le barbera) mais des expériences sont en cours sur des cépages plus méridionaux comme le sagrantino et l'aglianico. En blanc, le vermentino et le fiano interpellent, le moscato fait des émules au vu de son succès aux Etats-Unis, alors même que l'Australie utilise sa maîtrise confirmée de la vinification en milieu réducteur pour affiner son propos sur le sauvignon, (pour concurrencer la Nouvelle-Zélande) et plus encore sur le sémillon, avec des vins remarquables de fraîcheur et aptes à la garde.