ice-président du syndicat des Jeunes Agriculteurs en charge des questions viticoles, Stéphane Honorat est viticulteur dans les Bouches du Rhône (17 hectares, dont 12 en appellation Coteaux-d'Aix-en-Provence). Lors d'une rencontre parisienne entre le Conseil Spécialisé de FranceAgriMer et le Salon de l'Agriculture, il met en perspective les sujets d'actualité de la filière avec les enjeux propres à l'installation d'une nouvelle génération de vignerons.
Quels sont les enjeux actuels de l'installation pour les Jeunes Agriculteurs ?Stéphane Honorat : pour commencer il s'agit de faciliter l'installation pour toutes les filières. Par exemple avec la conservation et l'adaptation d'outils financier (exonération MSA, prêts bonifiés...). Il faut également préserver le foncier agricole. Pour cela nous participons à la Commission Départementale de Consommation des Espaces Agricoles (CDCEA), même si son avis reste consultatif aujourd'hui. Dans la perspective d'une loi d'orientation pour fin 2013, un Comité de Pilotage national se met également en place pour les Assises de l'Installation en agriculture. Les Jeunes Agriculteurs siégent bien entendu dans cette instance.
En ce qui concerne la viticulture, il faut d'abord que les régions retrouvent leur attractivité. Concrètement, les jeunes ne voient aujourdh'ui pas d'avenir dans notre filière vin. Un revenu doit pouvoir être assuré, l'activité doit être profitable économiquement. Le revenu annuel des vignerons a diminué de moitié en 2012 (NDLR : avec un résultat courant avant impôts par actif non salarié de 22 800 euros) et nos remontées terrains témoignent de difficulté en Loire, dans le Beaujolais, en Charente (hors cognacs), en Languedoc... Ensuite il faut faciliter les reprises d'exploitations. Que ce soit dans le cadre familial ou non, la notion de transmission aux jeunes doit être amenée. Les capitaux demandés étant importants, la question est de cadrer et minimiser les investissements nécessaires à l'installation d'un jeune. Cela peut passer par un fermage, un portage de projet... Il n'y a pas de solution unique, mais la nécessité d'outils diversifiés.
Que retenez-vous du dernier Conseil Spécialisé de FranceAgriMer, auquel assistait le ministre de l'Agriculture Stéphane le Foll ?Stéphane Honorat : en venant à la rencontre des représentants de la filière, le ministre nous a donné l'opportunité de lui répéter notre message. Nous lui avons unanimement déclaré que nous voulons une Organisation Commune du Marché (OCM) spécifique à la filière viticole, avec unbudget acté. En pratique, nous lui avons donné un objectif clair, à lui de voir maintenant avec l'Union Européenne et les autres Etats Membres.
Le dossier des droits de plantation a également été abordé. Si le Parlement Européen a récemment repris les conclusions du rapport Dantin, la Commission Européenne en reste loin. Il reste encore beaucoup de questions en suspens : quels seuils de plantation dans les autorisations par pays, quelle date de mise en application, quelle durée du système... A un moment donné il faut bien avoir conscience de la nécessité d'un outil de régulation. La disparition des quotas laitiers a montré que les marchés n'étaient pas capables de se réguler par eux-mêmes.
Concrétement, je pense que ces débats réduisent encore la visibilité nécessaire à une installation. Comment bénéficier d'un appui financier quand les incertitudes sont aussi nombreuses ? La mobilisation doit se maintenir pour régler au plus vite ces questions, mais rien n'aura abouti tant que la nouvelle Politique Agricole Commune ne sera pas finalisée.
L'Institut National des Appellations d'Origine et de la Qualité (INAO) vient de valider le principe de Volume Complémentaire Individuel pour les vins blancs d'appellation. Qu'en pensez-vous ?Stéphane Honorat : pour l'instant nous n'avons pas pris de position ferme sur le sujet. Néanmoins, si vous me posez la question de savoir comment répondre aux aléas climatiques et sanitaires qui impactent la filière viti-vinicole française, je vous dirai que d'autres systèmes que le VCI existent.Mais depuis le retrait de la filière viticole du Fonds de Solidarité Agricole, le système assurentiel est présenté comme étant la seule solution par l'Etat, comme sa ligne de subvention a disparu de l'OCM vin, c'est pourtant loin d'être un système très utilisé... Face aux aléas climatiques et économiques, il faut apporter des solutions pour garantir l'installation des jeunes agriculteurs.
Cette nécessité était criante au printemps 2012, suite aux importants phénomènes de grêle en Bouche du Rhône (NDLR : en mai 2012) et plus généralement sur tout le vignoble français avec la petite récolte 2012. Mais un mécanisme ne sera pas forcément adapté à l'ensemble du territoire, nécessitant des adaptations selon les enjeux régionaux.
Les dernières élections aux Chambres d'Agriculture ont vu la montée de la Coordination Rurale au détriment de la Confédération Rurale et de la liste commune FNSEA-Jeunes Agriculteurs...Stéphane Honorat : pour moi le fait marquant de ces dernières élections est l'abstention, qui a bondi dangereusement. Il faut maintenant aller à la rencontre des agriculteurs pour comprendre la raison de leur abstention et répondre à leurs attentes. Il n'est pas question de démagogie ou de propagande anti-constructives, mais de propositions pour amener des corrections aux outils actuels.
[Photo : Stéphane Honorat sur le stand Jeunes Agriculteurs (Hall 4), Alexandre Abellan]